Les bureaux virtuels et web OS en bibliothèques : l’avenir?

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Une récente étude, publiée par le Monde et commentée par Sophie montre que :

« … Plus de la moitié des Américains disent s’être rendus dans une bibliothèque l’an dernier, la plupart pour l’accès internet qu’elles proposent plus que pour les livres »

Il me semble de ce genre de résultat montre bien que beaucoup de gens considèrent les bibliothèques comme des cybercafés, ni plus ni moins. Le constat dérangera surement certains d’entre nous, mais je pense réellement que nous devons sortir d’une vision de l’internet en bibliothèque qui soit purement documentaire. J’avais abordé la question en évoquant le clavardage ou chat dans les bibliothèques, qui loin d’être une nuisance est un véritable outil de communication pour beaucoup. J’avais essayé de montrer que nous ne devons pas limiter la palette des usages mais au contraire ouvrir un maximum les possibilités. Oui la bibliothèque n’est pas seulement un lieu documentaire, c’est aussi un lieu social, un lieu où on se connecte, un lieu où l’on s’informe, un lieu public ouvert.

Dans la bibliothèque publique où je travaille, notre prestataire informatique (Archimed, produit Ermès) a conçu un produit qui commence (timidement) à prendre en compte cette tendance. Sur tous les postes, figure une barre d’outils paramétrable à partir de laquelle on peut lancer des outils bureautiques (nous on a choisi des logiciels libres : le traitement de texte et le tableur d’Open office). Chaque utilisateur dispose en plus d’un mini espace de stockage pour enregistrer ses documents. En réalité, il s’agit d’une déclinaison dans les bibliothèques publiques de ce que proposent les BU depuis longtemps: des ENT (espaces numériques de travail).

A l’usage nous constatons que beaucoup de personnes ne viennent à la bibliothèque POUR les accès à internet, ou bien, d’un point de vue plus positif (qui reste à démontrer) PAR internet.

L’idée est bien d’offrir à l’utilisateur un espace de travail personalisé l’accès à ses données ainsi qu’à des logiciels de base permettant des usages variés (navigateur, chat, bureautique, lecture de fichiers multumédias, etc.). Or il existe un marché très similaire pour ce type d’offre qui commence à se développer sérieusement : les cybercafés justement. Récemment je lisais dans Techcrunch qu’ il y a 500 millions de personnes qui se connectent chaque jour depuis un cybercafé.

Les offres qui pointent leur nez ne sont plus seulement des espaces numériques, mais des web OS. Autrement dit, il ne s’agit plus d’offrir un petit espace personnalisé mais carrément un bureau virtuel complet en ligne ouvrant totalement la palette des usages. L’intérêt pour l’utilisateur est qu’il ne retrouve pas seulement ses données ou une page mais tout un espace de travail paramétré selon ses besoins, où qu’il se trouve.

Cela permet en outre de contourner le problème de l’ergonomie du navigateur sécurisé. Concrètement, les bibliothèques offrent en général des navigateurs sécurisés, qui sont en général très mal fichus d’un point de vue ergonomique…En se connectant à un web OS, l’utilisateur passe par ce navigateur uniquement pour se connecter à son espace de travail puisque pour le reste il passe par le navigateur virtuel qui ne nécessite pas du tout de paramétrage sécuritaire faisant lui-même partie d’un environnement lui sécurisé.

Par exemple Jooce (start-up française) citée dans l’article de Techcrunch entend bien conquérir ce marché, considéré par l’auteur de l’article comme très conccurentiel.

L’intérêt pour les bibliothèques et les cybercafés est aussi stratégique : tisser un partenariat avec des entreprises qui gèrent des webOS revient à externaliser bon nombre des tâches qui nous incombent aujourd’hui : gestion du serveur et de l’espace de stockage, mise à jour des applications, sécurisation des postes, etc. Les bureaux virtuels représentent ainsi un marché très intéressant à suivre pour nous bibliothécaires.

Bien sûr une entreprise qui ferait affaire avec une bibliothèque devrait adapter son produit pour intégrer l’offre documentaire de la bibliothèque de manière incitative, par exemple via des îcones placés par défaut sur le bureau virtuel et donnant accès à des offres sélectionnées. De même on peut imaginer un bureau au design adapté à la charte graphique de la collectivité ou de la BU qui le finance.

Car rappelons nous aussi que si les cybercafés sont payants, en général l’accès à internet le moins cher voire en général gratuit sur nos territoires se trouve dans la grande majorité des cas dans les bibliothèques! Il y a là un atout en terme de service (et de communication) que nous n’exploitons pas assez.

En attendant, voyez vous-même et allez donc tester Jooce, Goowy ou d’autres référencés dans cet article en anglais. Il est aussi très intéressant de constater en outre l’émergence prochaine de projets proposant Open office entièrement en ligne comme Ultéo

Silvae

Je suis chargé de la médiation et des innovations numériques à la Bibliothèque Publique d’Information – Centre Pompidou à Paris. Bibliothécaire engagé pour la libre dissémination des savoirs, je suis co-fondateur du collectif SavoirsCom1 – Politiques des Biens communs de la connaissance. Formateur sur les impacts du numériques dans le secteur culturel Les billets que j'écris et ma veille n'engagent en rien mon employeur, sauf précision explicite.

4 réponses

  1. Alain Pierrot dit :

    Heureux de voir mentionner les Espaces Numériques de Travail (ENT) dans ce contexte!

    Il serait dommage de ne pas capitaliser sur outils et réflexions développés par le monde de l’éducation dans ce domaine, où sont expérimentées des solutions pour la création de réseaux sociaux, l’identification forte ou faible, la protection des données privées, l’ouverture à des ressources locales et globales, la définition d’infrastructures de base…

    Je rajouterais qu’il serait également intéressant de faire un mouvement en gros inverse et de réfléchir à des «Espaces Numériques de Loisir» (ENL — on lance un nouveau buzz ? 😉 ) :
    sortir du contexte travail la lecture «plaisir» et les autres médias ?

  2. Merci pour cette proposition, elle est très juste! En fait, espace numérique personnel me parâit encore plus juste, parce que justement pas axée sur un usage à priori (loisir ou travail)…

  3. Maska dit :

    Bonjour, je suis tout à fait d’accord avec cette approche. Pour avoir fait une étude de trois mois en partie sur les bibliothèques américaines, je peux vous certifier que le livre n’est certainement plus le média qui attire le plus d’utilisateurs. C’est de loin l’accès à Internet non-bridé et gratuit. De plus, le lien bibliothèque/Internet aux USA est très largement exploité : Internet est à la fois un outil de gestion de l’information, de promotion du fonds des bibliothèque et de communication réciproque entre la bibliothèque et ses utilisateurs. Internet attire le client dans les bibliothèques, qu’on se le dise ! Pour voir mon étude : http://docuzik.spaces.live.com/blog/cns!56555D594E8A722B!570.entry

  1. 11 septembre 2008

    […] pourrait même aller plus loin, en proposant à l’avenir un véritable bureau virtuel ouvrant toute la palette des usages du web. A l’heure où de plus en plus d’applications passent par le navigateur, n’est-il […]