Vers un catalogue mondial des bibliothèques… et moi et moi et moi ?

Olivier d’Affordance l’a annoncé, décrit et analysé : nous allons vers un catalogue mondial unique des bibliothèques. Son nom ? il s’appelle zorro Hathi Trust (bof, pas super sexy comme nom)

Le Hathi Trust, un « entrepôt numérique partagé » à l’initiative d’un consortium universitaire composé comme suit : University of Chicago, University of Illinois, Indiana University, University of Iowa, University of Michigan, Michigan State University, University of Minnesota, Northwestern University, Ohio State University, Penn State University, Purdue University, University of Wisconsin-Madison, University of California system. Trois de ces universités sont les leaders du projet : Michigan, Indiana, Californie. L’ambition du projet ? Tout simplement considérable : il s’agit de rassembler les ouvrages mais également les journaux numérisés dans les bibliothèques, sur la base initiale du « corpus » Google mais en envisageant des extensions, y compris auprès d’éditeurs pour des fonds encore sous droits. Il s’agit encore de fournir une solution sécurisée de stockage, de préservation et d’accès à long-terme. Il s’agit enfin d’étendre ce processus aux entrepôts institutionnels des unviersités, à condition que la phase initiale du projet soit couronnée de succès. Bref, en un mot, un portail universel de bibliothèque.

Voilà qui est de très bon augure ! Il faut ajouter à cette annonce, celle du directeur de l’ABES, Raymond Bérard qui répondait au message surréaliste de biblio-fr annonçant la mort du SUDOC 🙄 :

Le catalogue, est bien vivant et continue son développement:
– il est rejoint chaque année par de nouvelles bibliothèques;
– nous améliorons régulièrement ses fonctionnalités;
nous avons conclu un partenariat avec Google Scholar et sommes en train de négocier un autre partenariat avec Worldcat pour lui donner encore plus de visibilité.

La Bnf vient d’ailleurs de confirmer un tel partenariat en annonçant le référencement de l’intégralité de son catalogue dans worldcat. De plus, comme le précise Olivier s’agissant d’Hathi Trust :

Le lien avec L’OCLC (Worldcat donc) est déjà négocié, et ce dernier pourra ainsi rapidement référencer les collections du HathiTrust.

Les ressources de la plupart des bibliothèques universitaires françaises et de la Bnf, soit plus de 5 millions de notices sont donc déjà potentiellement intégrées dans Worldcat ! C‘est une très bonne chose, d’autant que ce projet ne vise pas à proposer des données bibliographies en premier lieu, mais bien le texte intégral des livres !

Il est clair qu’il y a une sorte d’urgence à unifier les accès… et à communiquer sur un seul outil, de manière pragmatique. A l’appui, voici quelques résultats d’une enquête relayée par Françoise Dailland de Paris 5, réalisée dans le cadre du projet Form@doct, projet de didacticiel proposé par les SCD des universités de Bretagne : UBO, UBS, Rennes 2, Rennes 1, INSA et par l’URFIST de Rennes, et déposé dans le cadre du PRES de l’Université Européenne de Bretagne.

Effectif total : 2 218 doctorants inscrits en janvier 2008 ; Taux de réponse : 23,4 % soit : 519 doctorants

Les chiffres sont sans appel :

Ressources documentaires rarement ou jamais utilisées :

  • 94 % n’utilisent jamais ou rarement les blogs
  • 88 % : les bases de données brevets
  • 77 % : les archives ouvertes (HAL…)
  • 74 % : les catalogues étrangers
  • 71 % : le catalogue SUDOC
  • 62 % : les bases de données (Medline, Francis, Pascal…)

Utilisation des moteurs de recherche :

  • Les deux moteurs de recherche les plus utilisés : Google : 85 % ; Google Scholar : 37 %
  • 60 % ne connaissent pas les métamoteurs et 5% seulement les utilisent.
  • 46 % ne connaissent pas les moteurs de recherche spécialisés dans leur discipline et 20 % seulement les utilisent.
  • Quant à savoir si Hathi Trust sera référencé par Google Scholar ou Google tout court, ça m’étonnerait que la réponse soit négative, après d’âpres négociations, mais bon je ne suis qu’en licence 1 de boule de cristal. 😉

    Du point de vue des bibliothèques publiques, on peut en revanche être plus inquiet puisqu’aucune base de donnée ne propose aujourd’hui leurs ressources de manière unifiée, même si de gros catalogues régionaux se mettent en place, comme en Rhônes-Alpes par exemple avec Lectura. On peut également de demander comment les données des bibliothèques classées (= avec des livres et documents anciens) qui sont dans le CCFR mais pas dans le SUDOC, parce qu’elles font partie de la Base PATRIMOINE vont être prises en compte…(m’est avis que ça devrait rouler puisque le CCFR est géré par la Bnf).

    Etant donné que les bibliothèques publiques non classées, au nombre d’environ 3 000 en France ne disposent pas d’un outil comme le SUDOC, la question est : est-il possible de signaler les ressources de sa bibliothèque publique dans worldcat ? OUI !

    Le site d’OCLC France étant particulièrement mal fichu, très brouillon et mal traduit, j’ai posé directement la question au bureau français et on m’a répondu gentiment :

    Pour référencer l’ensemble des notices d’un catalogue existant dans WorldCat, il suffit de charger la base de données qui existe dans le SIGB vers WorldCat. Pour cela l’administrateur du système doit exporter les notices de son SIGB et les fournir à OCLC qui les chargera après vérifications et tests. Les notices peuvent être fournies en format d’échange (ISO 2709) et en UNIMARC ou MARC21. La tarification dépend de la taille de la bibliothèque, du type et/ou d’autres éléments d’évaluation. A noter, selon le SIGB de la bibliothèque, WorldCat est capable de faire un lien direct vers l’OPAC de la bibliothèque.

    Nous restons à votre disposition pour toute information complémentaire.

    Soit dit en passant, c’est là qu’on voit que s’agissant de données propres à une bibliothèque, on est quand même obligés de payer 2 fois : une fois à son fournisseur de SIGB actuel pour exporter les données et une fois à Wordlcat. Tout ça pour avoir une petite chance d’être visible dans ce méta-catalogue et surtout de bénéficier de ses enrichissements… (critiques, géolocalisation, etc.) alors même que des élus locaux sur proposition des bibliothécaires investissent dans des gros projets coûteux de SIGB propriétaires. (Je dis que le transfert des données vers OCLC devrait être encouragé et financé sur fonds publics, tellement c’est d’intérêt général de sortir du web invisible aujourd’hui… qui m’entend au Ministère dans les départements, les régions ? personne ? bon tant pis, on achètera moins de livres pour les rendre plus visibles, tsss.)

    D’ailleurs, si on pousse cette logique au bout, Wordlcat propose de se substituer à un OPAC ! Comme le précisait Nicolas Morin en avril 2007 :

    Grâce à une interface au design spécifique à chaque établissement, le service [WorldCat Local] permettra aux bibliothèques de chercher dans la totalité de la base WorldCat en présentant d’abord les résultats locaux les plus facilement accessibles à l’usager. Il peut s’agir des collections de la bibliothèque, des collections partagées par un consortium local, de collections en accès libre.

    WorldCat Local proposera le même ensemble de fonctionnalités que WorldCat.org: une fenêtre de recherche simple, un classement des résultats par pertinence, des ensembles de résultats qui regroupent les multiples versions d’une oeuvre [i.e. on “FRBRise” votre catalogue], une navigation à facettes, […] des imagettes […]

    Quand on voit la puissance de ce catalogue, on peut y regarder quand même à deux fois non ? 😉

    Silvae

    Je suis chargé de la médiation et des innovations numériques à la Bibliothèque Publique d’Information – Centre Pompidou à Paris. Bibliothécaire engagé pour la libre dissémination des savoirs, je suis co-fondateur du collectif SavoirsCom1 – Politiques des Biens communs de la connaissance. Formateur sur les impacts du numériques dans le secteur culturel Les billets que j'écris et ma veille n'engagent en rien mon employeur, sauf précision explicite.

    9 réponses

    1. dbourrion dit :

      Tu n’as pas une vague idée des tarifs, histoire de gagner un peu de temps ?? 😉

    2. dbourrion dit :

       » Il est clair qu’il y a une sorte d’urgence à unifier les accès… et à communiquer sur un seul outil, de manière pragmatique  » : je délire ou tu abandonness l’idée de dissémination ?….

    3. @Dbourrion : pas d’idée de tarif, désolé, faut leur demander et c’est du sur mesure… donc un prix moyen serait pas très pertinent.

      Abandonner la dissémination ? Non, mais je voulais dire ne pas conserver volontairement ses données dans le web invisible ! Quand on arrive à faire comprendre l’intérêt d’être présent dans worldcat, on arrive aussi à faire comprendre l’intérêt de libérer les données de la bibliothèque, pour les disséminer justement.
      Quand je dis « unifier les accès », je pensais en fait aux BU qui sont partagées souvent entre promouvoir des outils globaux comme worldcat ou google scholar et les bases de données qu’elles achètent avec des accès spécifiques alors que les données des mêmes bases sont déjà dans google scholar, pour une partie. Mais bon je suis pas un spécialiste des BU non plus, peut-être me trompe-je ?

    4. Hoel Maleuvre dit :

      Concernant l’enquête sur les modes de recherche des doctorants, les données sont édifiantes mais ne me surprennent pas outre mesure (je suis moi même étudiant et conscient de ce problème).
      Il est clair qu’il reste un travail ÉNORME à faire dans les universités en matière de communication sur les « nouvelles »(?) méthodes de recherche.
      L’âge (oserai-je parler de génération) des doctorants y est peut-être en partie pour quelque chose. Il faudrait comparer ces données avec un public plus jeune (Master ou licence) mais je ne pense pas (malheureusement) que les résultats soient radicalement différents.

    1. 13 janvier 2009

      […] ce n’est pas le cas des bibliothèques qui adhérent à Worldcat, appelé à devenir un catalogue mondial des bibliothèques. OCLC édite à partir de cette base un top 1000 des emprunts (arrêté étrangement en 2005). […]

    2. 4 février 2009

      […] des livres à la découpe et où OCLC de claires tentations hégémoniques pour constituer un catalogue mondial… on peut aussi le comprendre. L’exemple cité est tout à fait intéressant : Le […]

    3. 16 février 2009

      […] des livres à la découpe et où OCLC de claires tentations hégémoniques pour constituer un catalogue mondial… on peut aussi le comprendre. L’exemple cité est tout à fait intéressant : Le […]

    4. 16 février 2009

      […] ce n’est pas le cas des bibliothèques qui adhérent à Worldcat, appelé à devenir un catalogue mondial des bibliothèques. OCLC édite à partir de cette base un top 1000 des emprunts documents détenus par les […]