Lire en fête 2009 n’aura pas lieu, tant mieux !

Nous avons appris il y a quelques jours une bonne nouvelle, entre autre sur le site de l’ADBDP :

Le Ministère de la Culture et le Centre National du Livre suspendent l’édition 2009 de « Lire en Fête » et réfléchissent à un nouveau concept qui devrait voir le jour en 2010. Un communiqué de presse, disponible sur le site de « Lire en Fête » souligne notamment que « (…) Un rapprochement avec L’Education nationale est souhaité ainsi qu’une implication plus forte de la part de la presse écrite et de l’audiovisuel public (…) » et que « (…) la parole donnée aux écrivains et l’ouverture exceptionnelle de lieux symboliques et représentatifs du livre et de la lecture sont d’ores et déjà des pistes privilégiées (…) ».

Personnellement j’ai toujours détesté Lire en Fête : cette concentration phénoménale d’actions culturelles organisées par les bibliothèques sur trois jours, faisant l’objet d’un programme, d’un site et d’une campagne d’affichage nationale. Résultat : une illisibilité quasi-totale pour attirer, au mieux, un public local… et surtout une image des bibliothèques qui n’est plus à jour.

Car ce qui pose problème, pour moi c’est à la fois la forme (trop concentrée, on cherche un impact national et je ne suis pas sûr que le résultat soit là) mais surtout le positionnement. On peut lire par exemple dans  l’édito de l’édition l’édition 2008, sous la plume du Ministre de la Culture :

Le plus souvent cantonnées dans le secret recueilli d’une chambre, l’atmosphère studieuse d’un bureau ou l’intimité d’un trajet quotidien, la lecture et l’écriture investiront l’espace public les 10, 11 et 12 octobre prochains. Les livres, les mots et les histoires pénétreront dans les cafés, les cinémas, les théâtres, les écoles mais aussi les hôpitaux et les maisons d’arrêt, en plus des lieux traditionnels du livre que sont les librairies et les bibliothèques.

« Lire en fête » donc : une fête de la lecture, sous entendue lecture plaisir, de détente, sous entendue portée par les bibliothèques et les librairies. Premier problème : la « lecture plaisir » est trop souvent assimilée à  « la littérature », alors qu’il s’agit, me semble-t-il, d’une certaine forme d’appréciation d’une certaine forme de littérature Et puis, second problème, pourquoi vouloir rendre public  l’acte éminemment intime et privé qu’est la lecture, pourquoi si manifestation il y a ne pas parler de soutien à la vie artistique et littéraire au lieu de la « lecture » ?.

Tout ça fait beaucoup de sous-entendus, à l’heure où les bibliothèques n’ont jamais été EXCLUSIVEMENT des lieux du livre-littéraire-de-détente. En réalité, tous ces sous-entendus sont exactement ceux qui dressent l’image politique traditionnelle de la bibliothèque pour toute une partie de la population et, plus grave,  pour bon nombre d’élus.

Trop souvent (en exagérant à peine) une bibliothèque territoriale = un équipement de la politique culturelle littéraire et artistique (comme un théâtre pour le spectacle vivant) + un lieu de convivialité + des services à destination des scolaires et des centres de loisirs et assimilé. On voit bien que la bibliothèque est niée dans les autres rôles qu’elle cherche à développer, à savoir :

(notez bien le « contribution » qui montre que nous ne sommes qu’un rouage parmi d’autres)

Pour tous les bibliothécaires qui liront ce billet, ce qui précède est une évidence. Alors pourquoi continuer, au niveau national, à célébrer la lecture, ou pire le livre avec tous ces sous-entendus, alors que les bibliothèques ne sont plus depuis longtemps les lieux exclusifs du livre (Et les autres supports ? A quand un « Voir en fête « ? ou un « Écouter en fête ») et qu’elles sont très loin de répondre EXCLUSIVEMENT à des enjeux de diffusion de la littérature et de soutien à la vie artistique littéraire, ce qu’elles font très bien par ailleurs, sans avoir forcément besoin d’un amplificateur national.

Je me sens professionnellement de moins en moins engagé dans des enjeux de promotion de « la lecture » que dans ceux liés à l’information-documentation. Il me semble que les politiques publiques du livre et de la lecture, dont « Lire en fête » entend être un symbole sont à revoir en profondeur, à l’heure où il s’agit moins de « donner accès au livre » que d’orienter des publics dans la masse d’information et lutter contre l’infobésité…

Les conséquences de 15 ans de « Lire en fête » c’est une image des bibliothèques qui est partielle et obsolète. Enfonçons le clou : Les bibliothèques sont des lieux dédiés à la formation, à l’information et à la culture, en tant que telles, elles cherchent à contribuer à la diffusion des savoirs en général dont la littérature et les arts ne sont qu’une composante parmi d’autres.

Ce qu’il peut arriver de mieux aux bibliothèques s’il s’agit de célébrer leur rôle, c’est de mettre en évidence leur utilité sociale et leur rôle de médiation vers des savoirs, à la manière par exemple de la campagne de communication de la bibliothèque de  Limoges, mettant en valeur la réponse à des besoins documentaires lui même répondant à un enjeu social :


J’ai bien peur hélas qu’à lire attentivement le texte du communiqué de presse précité on ne sorte pas pour les prochaines éditions de la célébration nationale de la lecture ou du livre artistique et littéraire. Les premières pistes évoquent en effet : la parole donnée aux écrivains et l’ouverture exceptionnelle de lieux symboliques et représentatifs du livre et de la lecture sont d’ores et déjà des pistes privilégiées (…) ».

Autrement dit  : c’est pas gagné ! 🙄



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