Pourquoi et comment utiliser Facebook pour une bibliothèque publique ?

[Mise à jour mai 2010 : depuis la publication de ce billet la notion de Fan a disparu et facebook a annoncé de nouvelles fonctionnalités sociales, ça ne change pas le fond de ce billet, et vous trouverez plus d’infos sur ces nouveautés dans ce billet]

Si Facebook aujourd’hui était un pays, il serait plus peuplé que le Brésil ! Or, il est nécessaire d’aller porter l’information là où sont les internautes, non pas de les obliger à venir sur nos sites institutionnels. Une des questions qui se pose aux bibliothécaires est donc : Être ou ne pas être au Brésil sur Facebook et surtout :  Pour y faire quoi et Comment ? J’ai envie de commencer comme ça : c’est un faux-débat. Ou plutôt : ce n’est pas comme ça qu’il faut se poser la question. La vraie question est celle-ci : que vient faire la bibliothèque sur internet ? Qu’a-t-elle a apporter aux gens ?

La réponse implique une définition de l’identité numérique de la bibliothèque. J’avais essayé de synthétiser quatre types d’identités numériques pour une bibliothèque qui ont chacun des conséquences sur ce que l’ont veut mettre en avant sur le web.

Au fond, (pour ceux qui ne cliquent pas sur les liens recommandés fortement) on peut simplifier en 2 tendances :

Identité-institution/service = 95% de ce qui existe aujourd’hui sur le web de la part des bibliothèques. Objectif : Diffuser les infos pratiques de la bibliothèque (horaires, accès, etc.) indiquer le fil d’actualité des évènements, ou le mode d’emploi d’un service,etc. Bénéfice : faire plaisir au Maire et/ au directeur, paraître moderne, branché et montrer aux électeurs que les impôts sont bien utilisés. Bon j’exagère (un peu), ça peut-être intéressant et même important en terme de communication locale, d’interaction avec les usagers (cahier de suggestion 2.0, veille sur la qualité de service => voir plus bas dans ce billet), diffusion des animations. Ce n’est pas vraiment de la médiation, c’est de la communication institutionnelle, voire du service en ligne.

Identité-compétences = 5% de ce qui existe aujourd’hui sur le web de la part des bibliothèques. Objectif : mettre en avant des compétences, des contenus, une expertise. Montrer que les bibliothécaires proposent des contenus rédigés par eux et/ou par des amateurs, via les réseaux sociaux en  liens avec des communautés d’intérêts.

Autrement dit, deux réponses à la question du pourquoi : pour promouvoir un service/équipement et pour diffuser des contenus, interagir avec des gens. Bien sûr les deux réponses sont tout à fait compatibles, mais le fait est que sur un web social, les contenus et les interactions avec des personnes priment sur l’institution… or les bibliothèques sur Facebook y sont en très grande majorité pour promouvoir l’institution. C’est ce qu’Hubert Guillaud résume comme suit, en commentaire du débat qui a agité les bibliothécaires de Montréal sur ces questions :

Il vaut certainement mieux ouvrir une page “Trifouillis-les-Oies branchée” que “la médiathèque de Trifouillis-les-Oies”… Non pas par rejet de ce que l’institution représente, mais parce que le but de Facebook n’est pas de valoriser une organisation, mais de trouver des moteurs à l’échange auprès de publics qui cherchent des identités communes. Ce qui signifie une alimentation en contenus partagés, des contenus qui ne soient pas spécifiques à la bibliothèque ou à l’éditeur, etc. Ensuite, il faut entretenir sa communauté et y être suractif, et c’est certainement là qu’il y a le plus de travail. Reste que face à cette démultiplication de publics possibles, il faut nécessairement cibler ceux que l’on souhaite toucher.

Autant je partage le point de vue précité sur la nécessité de contenus partagés « à vocation universelle », autant il me semble que Facebook n’est pas du tout dénué d’intérêt en terme d’image pour une institution.

Facebook, une vitrine de l’institution ? Oui, s’il s’agit aussi d’une démarche élaborée sur la manière d’intervenir, celle de développer des relations avec les internautes, et même de diffuser certains contenus vers certains types de publics. Disons que se contenter de créer une page spécifique à la bibliothèque pour « le simple fait d’y être » n’est pas inutile (notamment en terme de référencement) mais constitue le degré zéro de l’usage de ce réseau social. Dans tous les cas, publier des contenus (critiques de livres, avis sur les nouveautés, podcasts, etc.) suppose au préalable d’avoir mis en œuvre une chaîne de publication et une démarche de médiation numérique… mais ce serait trop long de détailler ces points ici.

Alors comment faire, concrètement ?

  1. Convaincre l’inoxydable proxynator 😈 de débloquer Facebook sur tous les postes informatiques. C’est malheureux, mais trop souvent nécessaire… et c’est peut-être l’étape la plus délicate ! (soupir)
  2. S’inscrire. Facebook propose à ses utilisateurs 2 modes de création de compte : le PROFIL ou la PAGE.
  3. Intervenir et alimenter régulièrement la page en informations soit manuellement soit en y agrégeant des fils RSS, soit en utilisant des applications communautaires pour pratiquer la recommandation : voir l’application Librarything par exemple.

Pour s’inscrire : le PROFIL est personnel, c’est bien entendu le cas le plus fréquent :


Juste en dessous, Facebook invite à créer une PAGE. Si vous voulez créer une page, tout est très clairement expliqué ici.

Vous allez me dire, quelles différences ? Réponse : le profil est personnel, la page est destinée à une marque, un groupe de personnes, une institution (une personne morale si j’ose dire).

On peut devenir fan « Liker » une page et du coup être informé de ses nouveautés. Notons que Facebook a considérablement développé les fonctionnalités des pages, dans un but commercial, puisque les entreprises (ou plutôt les marques) qui participent sont invitées à créer des « publicités » à destination de l’audience de ces pages. Il y a là un modèle économique qui se met en place, mais ici il s’agit bien d’intervenir comme porteur de l’intérêt général.

Donc, d’un côté des profils personnels et de l’autre des pages publiques. Vous allez me dire tout ça est évident, tu nous prends pour des fesseboucs ! (non bien entendu, et oui c’est une sale blague). Un petit tour sur Facebook suffit à démontrer qu’il est nécessaire de bien montrer les différences. Par exemple, la Médiathèque de Villepinte a crée un PROFIL au lieu d’une page 😕 (désolé, fallait un exemple). On apprend donc que cette « personne » est à la recherche de « rencontres » et qu’on peut devenir « Ami » avec elle et on peut même la POKER ! (du verbe poker, je poke, tu pokes, etc. rien à voir avec ce jeu d’argent immoral et si rigolo). Bon c’est mon avis et je le partage, mais c’est déjà suffisamment débile de devenir ami avec la terre entière sur les réseaux sociaux pour ne pas être ami avec une médiathèque, non ?

Le cas n’est pas isolé, puisqu’une recherche dans facebook avec le mot « bibliothèque » montre que bon nombre d’entre elles sont à la recherche de « rencontres » et ont plein d' »amis »…  ! On peut même quantifier ce phénomène. La même recherche en filtrant par pages » puis par « lieu » indique 49 résultats à l’heure de l’écriture de ce billet. Une recherche avec le même mot-clé dans la catégorie « personne » indique plus de 500 résultats ! Il faut nuancer en précisant que les possibilités de création de Pages ont été récemment mises en avant par Fb, les premiers qui ont crée un compte n’avaient donc pas vraiment le choix entre page ou profil… Ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de mettre à jour, à bon entendeur.

En revanche, je suis sûr que plein de gens seraient disposés à être ami avec un bibliothécaire identifié comme tel, comme personne-ressource sur Facebook. On pourrait par exemple avoir le profil de « Nicolas, bibliothécaire amateur de polars à la médiathèque de truc », qui alimente régulièrement son profil avec des bibliographies et des conseils de lectures… Identité numérique qui aurait été au préalable négociée et validée en interne à la médiathèque puis rattachée à la PAGE Fb de l’institution, dont il serait un des administrateurs.

Pour l’instant tout ce qu’on trouve en entrant « bibliothécaire » dans la recherche des profils de personnes c’est environ 400 résultats (pas mal de biblioblogueurs) et une écrasante majorité de profil personnels à l’exception notable des stars de la biblioblogosphère : les GEEMIKS. J’ai néanmoins trouvé un autre exemple en la personne de « Thierry Boucher Bcx« , qui visiblement travaille à la Bibliothèque centrale de l’Ecole Polytechnique (d’où le Bcx, faut le savoir 🙄 ). Intéressant profil puisque la démarche est bien liée à l’institution et l’avatar est assez chouette :

En revanche, je me demande pourquoi il ne propose pas plus d’informations lorsqu’on arrive sur le profil, et pourquoi il ne comporte pas de spécialité affichée (toutes les geemiks affichent leurs compétences dans un domaine documentaire). De même la mention « Bcx » n’est décryptage que par les initiés, ce qui montre que le profil est d’abord local. Très intéressant donc, mais inachevé, de mon point de vue.

Revenons aux Pages : la médiathèque de Suresnes est plus logique que celle de Villepinte puisqu’elle vous propose sur sa PAGE de devenir Fan de son service de cliquer sur LIKE (idée de création d’un indicateur pour le formulaire de la DLL : nombre d’amis de la bibliothèque sur Fb). 🙄 Je vous recommande de jeter un œil  à cette page parce que le compte est régulièrement alimenté et vraiment bien fait du point de vue de l’identité numérique-institution (bravo Giulia...et vivement le blog ! 😉 ). Dans le même esprit mais côté BU cette fois, je vous recommande également l’excellente page de la Bcx précitée, dont la démarche sur Facebook fait d’ailleurs l’objet d’un court article dans le numéro de Documentaliste et sciences de l’information d’août 2009, écrit par Sylvie Le Bars par ailleurs formatrice sur le sujet.

Au passage, il me semble assez significatif de constater que là où les Pages Fb des bibliothèques françaises vont très souvent mettre en avant en photo le bâtiment (très souvent considéré comme un geaiiiiste architecturaaaal 🙄 ) les bibliothèques anglo-saxonnes vont mettre en avant les services, et même l’usager lui-même… (Exemple cité par Michael Stephens)


Il existe une autre différence importante entre les pages et les profils : le référencement. En effet : si je ne suis pas connecté ou si je n’ai pas de compte facebook, et que je recherche des informations sur la médiathèque de Villepinte via google, voilà à quoi j’accède :

Résultat : je suis obligé d’avoir un compte Fb pour accéder aux autres informations que propose la bibliothèque sur son profil. En revanche, lorsque j’ai crée une PAGE, j’accède à TOUTES les informations du profil de la médiathèque, sans avoir besoin de me connecter :

On voit bien que les logiques sont différentes : d’un côté l’obligation de se connecter à Fb pour collecter des données personnelles et de l’autre celle d’utiliser la notoriété de Fb au service d’une image de marque ou d’une image d’institution en bénéficiant de son référencement dans les moteurs de recherche. Il y a là une excellente raison de créer une page Fb pour une institution, de manière à améliorer sa visibilité sur le web de manière tout à fait complémentaire au site principal.

Autre avantage qui peut se révéler essentiel pour évaluer ces actions (et répondre aux sollicitations doublement tranchantes des tutelles hiérarchico-politiques), sur une Page on a accès à des statistiques, pas sur un Profil. Par exemple, la page de Calendoc indique les tranches d’âges des fans ceux apprécient la page :

Il est également très facile de créer un widget et de le configurer pour promouvoir sa page. Encore une différence de taille : on ne peut pas envoyer de mails à plus d’un certain nombres de personnes d’un profil ou d’un groupe en même temps alors qu’on peut envoyer des messages à tous les membres de la page sans limitation de nombre.

Autre avantage :  contrairement au groupe, la page apparaît dans la timeline de vos membres, qui sont donc au courant de vos messages en temps réel. Pas besoin de notifier par mail chacun des membres à chaque fois que vous mettez à jour la page, vous évitez ainsi de donner l’impression de “spammer” vos fans.

J’ajoute enfin qu’il est possible d’administrer une page à plusieurs, ce qui évite de partager un mot de passe d’un profil, et surtout de raffiner l’identité de la médiathèque, comme je l’évoque plus haut, en rattachant les profils des bibliothécaires-personnes-ressources à la page de la Bibliothèque sur Fb.

Vous serez donc d’accord avec moi pour dire qu’une PAGE est plus adaptée à une identité numérique institutionnelle d’une bibliothèque qu’un PROFIL personnel qui peut convenir à une personne, utilisé par l’institution dans le cas bien précis de l’identité Personne-ressource. (j’ai l’air d’insister lourdement mais nous avons eu un débat sur twitter avec certains qui soutenaient qu’un profil personnel Fb pour une bibliothèque était adapté…)

On comprendra aussi que la Page Fb est très utile dans le cas d’une identité-service, car c’est là où c’est le plus logique de reconnaître son utilité en appuyant sur le bouton « j’aime ». Exemple : vous pouvez devenir Fan de Calendoc ! déclarer votre intérêt pour calendoc ou le Bouillon !

Il me semble que des services de renseignement à distance des usagers comme le Guichet du savoir ou Ubib, ou encore Rue des facs seraient bien inspirés d’avoir une page Facebook, non ?

Il existe un troisième moyen d’interagir avec des gens sur Facebook : le groupe. Créer un groupe dédié à un sujet permet de gérer une sorte de forum thématique. Voici un bon résumé trouvé sur ce blog :

Un groupe a une structure plus simple qu’une page, avec une description qui occupe une place importante, un “wall” pour partager avec les membres, une zone pour poster des liens, et une zone pour ouvrir des sujets de discussion.

Contrairement à la page “fans”, son contenu n’apparaît pas dans la timeline, et s’affiche de manière thématique et non chronologique. Vous pouvez choisir d’approuver ou non les membres qui rejoignent votre groupe, le rendre invisible, ou limiter son accès. Vous ne pouvez pas ajouter de plugins pour, par exemple, afficher automatiquement le flux RSS de votre blog ou site, tout doit donc se faire manuellement.

Le groupe est beaucoup moins riche et flexible que la page “fans”, et ses intérêts en matière de branding sont limités. Le choix d’un groupe est pertinent pour un sujet précis ou une discussion, mais pas dans une optique de promotion de votre marque / produit.

Notez qu’il existe d’autres modes d’interaction que le groupe comme des applications de forum ou des « murs » plus ou moins élaborés. Pour avoir une vue d’ensemble, je vous renvoie vers la présentation de Sylvie Le Bars disponible en intégralité sur Slideshare.

Le groupe peut ainsi être un bon outil complémentaire à la page et/ou aux profils dans le but d’échanger avec des gens autour d’un sujet, ou alors tout simplement de recueillir des avis d’usagers sur le service, sans intervenir, juste en lisant ce qui se dit… On compte 152 groupes de type « organisme » à l’heure où j’écris ce billet sur le Facebook francophone, ce qui est très faible, d’autant que la plupart des groupes ne comportent que quelques membres... Ce n’est pas le cas de la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas a crée un groupe pour les habitués. Il compte quand même 388 membres et indique être administré par une personne de la bibliothèque.

Voir aussi le groupe crée par la bibliothèque municipale de Toulouse. Là il n’y a pas d’administrateur et on y trouve une touchante déclaration d’amour capable à elle seule de relativiser l’éloignement entre les gens et les institutions ! 🙂

Mais parfois, il n’y a même pas besoin que ce soit la bibliothèque qui crée un groupe. Par exemple il existe le groupe : Ma deuxième maison est la Bibliothèque Municipale de Saint Maur des Fossés qui se présente comme suit :

J’aime bien la conclusion de cette bande de gentils glandouilleurs, espèce bien connue, habitante des bibliothèques. Dans le même genre de groupe à la présentation rigolote, je vous recommande celui de la Bibliothèque de Nancy, qui vaut son pesant de cacahouètes, comme on dit. Le groupe compte quand même 476 membres et a été crée par « Jordan Cavalier (Université Nancy I Henri- Poincaré ) » mais j’ignore s’il s’agit d’une initiative liée officiellement à la bibliothèque… (je ne crois pas en fait).

Au delà des ces initiatives plus ou moins potaches, Facebook peut donc aussi être moyen (très) empirique d’évaluation des services rendus à rendre, assez proche d’un usage possible de twitter pour une bibliothèque. Sachez qu’il existe une très large palette d’applications permettant faire du marketing, au service des objectifs de politique publique propres aux bibliothèques.

Au final pour une bibliothèque, non seulement être sur Fb n’est pas une fin en soi, mais en plus, la manière dont on est présent sur ce réseau social devrait être un moyen parmi d’autres d’intervenir sur internet, conséquence du choix de la bibliothèque quant à son identité numérique institutionnelle et à sa politique de médiation numérique.

Sur ce, si vous voulez être mon ami sur Fb c’est par ici 😉



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