Arrêtons de penser blanc noir, opposant la lecture idéalisée à la lecture besogneuse. Une mère londonienne parle de son fils de dix ans : « Il est en train de lire un livre. Il le pose et va sur le site du livre. Il regarde ce que les autres lecteurs écrivent dans le forum, parfois laisse lui-même un message, puis reprend le livre. Il pose le livre à nouveau et google une requête qui lui est venue à l’esprit. » Ce garçon a pris la mesure du Flux. Pour lui, lire est une expérience totale. Il manifeste sa présente au monde dans l’échange incessant de la lecture en réseau.
Connexion avec ce que dit Alain Giffard à propos des lectures industrielles :
L’acte de lecture numérique est compliqué et difficile. Ces difficultés, soulignées par les psychologues et les cogniticiens, sont de tous ordres: la visibilité du texte sur l’écran, la typographie et la mise en page, le détournement de l’attention par les bifurcations de l’hypertexte, l’absence d’intégration des opérations de lecture qui empêche le lecteur de projeter son modèle de compréhension du texte lu. Le lecteur doit en permanence recadrer son idée du texte au risque d’oublier les versions antérieures, et donc de couper le fil de lecture. Les principales conséquences de ces insuffisances technologiques sont la surcharge cognitive, fondamentalement opératoire, et la désorientation du lecteur.
Le lecteur doit en permanence recadrer son idée du texte au risque d’oublier les versions antérieures, et donc de couper le fil de lecture. Les principales conséquences de ces insuffisances technologiques sont la surcharge cognitive, fondamentalement opératoire, et la désorientation du lecteur. Ce point est crucial parce qu’il explique que le lecteur de la lecture numérique, à la différence du lecteur de la lecture classique, a aujourd’hui la tâche et la responsabilité, au cours de l’opération de lecture, de faire advenir une sorte de technologie-mouvement, opération qui ne peut évidemment que surcharger la lecture.