La fonction ressource et les métiers de l’information-documentation

C’est un truisme : les métiers de l’information documentation évoluent. Je partage le point de vue Bertrand Calenge :

Il est urgent de définir – avec les acteurs -, ce que peuvent recouvrir les profils de métiers dans nos établissements. Dans un premier temps, cela suppose d’oublier la question des statuts, comme d’élaguer les profils de postes de leurs spécificités conjoncturelles. On peut alors essayer de définir un ensemble précis de compétences (savoirs et savoir-faire) et un certain panel de tâches requérant ces compétences, à un certain niveau de responsabilités et d’architecture relationnelles au sein d’un établissement. Cela va constituer un profil de métier

J’avais essayé de relier ce besoin de dénominateurs communs déliés des statuts à une notion plus large : les travailleurs du savoir, eux-mêmes tirés vers une nouvelle dimension, celle de l’animation de communautés… Cependant l’animation de communauté est un travail spécifique (sera-t-elle un jour un métier ?), délicat, nouveau et je ne sais pas si cette activité sera à l’avenir une dimension principale de ces métiers traditionnellement centrés sur la gestion de supports et de données. Fonctions traditionnelles qui évoluent elles aussi comme en témoigne l’appel de Gauthier Poupeau pour que les pro de l’info-doc se positionnent comme des architectes de données (voir slide 28)…

Pour autant, comme le remarque fort justement Gilles Rettel dans ce mémorable billet dans lequel il explique pourquoi il ne va pas dans les médiathèques, le centre de gravité des bibliothèques est appelé AUSSI à basculer de la logistique vers la médiation. Sauf à en faire un socle du métier, on peut ajouter à cela qu’une culture technique est désormais indispensable comme le remarque très justement Lully.

Voilà qui fait pas mal de dimensions rendant nos métiers difficiles à cerner… Peut-être est-ce finalement ce dont il faut prendre acte : les effets centrifuges du numérique sur les métiers l’info-doc ?

Malgré tout, une manière d’approcher ces questions réside dans la notion de ressource, non pas les ressources, mais LA ressource, portée en particulier par le réseau ressources dans le domaine des musiques actuelles (si, si). Alors qu’est-ce que la ressource ?

la Ressource est une fonction qui permet de répondre le plus justement à toutes les questions concernant les musiques actuelles en mobilisant des réponses multiples, adaptées et non prédéterminées pour informer, former, orienter, conseiller et accompagner les publics dans leur recherche.

Vous allez me dire oui et alors ? Alors cette approche a le mérite de mettre l’accent sur les compétences nécessaires pour être une interface (au sens large) efficace entre des informations et des gens (au delà des musiques actuelles).

La fonction ressource est centrée sur la pédagogie : toutes les méthodes, tous les outils et toutes les techniques utilisés pour transmettre les connaissances nécessaires au développement des individus et de leurs activités visent à les rendre autonomes, et à leur permettre de posséder les bonnes clés pour ouvrir les bonnes portes. Elle s’adapte donc à la diversité des démarches et des itinéraires, hors de tout esprit procédurier, et doit être évaluée pour s’assurer de l’efficacité de son action.

La fonction ressource ne peut s’appuyer sur des observateurs passifs, éloignés des préoccupations du secteur et désengagés de ses intérêts collectifs et prospectifs : la proximité n’est pas qu’une notion géographique, la connaissance des sujets, des publics concernés et de leur fonctionnement en est une autre forme.

La fonction ressource met tous les individus sur le même pied d’égalité, car en organisant le partage des informations, elle assure la démocratisation des savoirs liés aux musiques actuelles et l’accessibilité à tous des divers degrés de la connaissance, de la plus basique à la plus pointue.

Il me semble intéressant de relier cette démarche à celle menée autour des fiches métiers du CNFPT qui entendent définir précisément ce que sont les métiers de bibliothécaire, directeur de bibliothèque, agent de bibliothèque et documentaliste. Vous noterez que la définition de ces métiers est encore très centrée sur la constitution de collections même si elle intègre une partie médiation. (je suis bien placé pour le savoir, j’avais contribué à les faire évoluer dans ce sens, ces fiches)

En fait, le Réseau Ressource a effectué un intéressant travail de formalisation pour faire cette fonction un métier inscrit dans un référentiel autour de 6 thèmes, déclinés en missions, tâches, compétences : (allez voir les détails ici). Entre parenthèses mes remarques par rapport aux fiches CNFPT.

  • Veille (veille territoriale et veille sectorielle, j’aime bien la distinction des deux en général on ne parle que de veille sectorielle)
  • Gestion de l’information (ça on sait faire et ça figure déjà dans les fiches Cnfpt)
  • Transmission de l’information (recouvre la médiation numérique telle que j’avais essayé de la définir, intéressant de la concevoir comme une composante en soi du métier, même si ma définition est plus large que le terme de transmission)
  • Médiation individuelle (assimilable à l’accueil IRL ou au service « empruntez un bibliothécaire », il me semble très intéressant de l’affirmer)
  • Médiation collective (pensée comme l’organisation de moments de rencontres professionnelles, pas de doutes, ça on sait faire ! 🙄 )
  • Ingénierie de projet (intéressant aussi de l’intégrer sous cette forme non ?)

Bref, il me semble qu’il y des choses à prendre dans cette approche de la ressource, à l’heure où l’ensemble des secteurs professionnels prennent conscience de l’importance de gérer des ressources (numériques, cognitives, immatérielles, etc.). Et si les nouvelles dimensions propres à ces métiers pouvaient trouver un écho centripète dans cette « fonction ressource » ? Qu’en pensez-vous ?

Silvae

Je suis chargé de la médiation et des innovations numériques à la Bibliothèque Publique d’Information – Centre Pompidou à Paris. Bibliothécaire engagé pour la libre dissémination des savoirs, je suis co-fondateur du collectif SavoirsCom1 – Politiques des Biens communs de la connaissance. Formateur sur les impacts du numériques dans le secteur culturel Les billets que j'écris et ma veille n'engagent en rien mon employeur, sauf précision explicite.