ACTA on en veut toujours pas !
Je sais, ACTA c’est compliqué, c’est abstrait, ça semble loin et ça fait même un peu théorie du complot ! Croyez moi, il y a une véritable lutte engagée des tenants du droit d’auteur non pas pour museler toute la planète, mais bien pour sauvegarder des intérêts économiques et pousser jusqu’au bout le système du copyright, pour déséquilibrer la belle idée de Beaumarchais. C’est contre cela qu’il faut se battre, contre le contrôle des contenus, des usages et des idées, contre le mépris pour le partage, la surveillance généralisée. Oui le partage est légitime.
Au fait, concrètement ACTA c’est quoi ? ACTA c’est pour Accord commercial relatif à la contrefaçon c’est un traité international plurilatéral en cours de négociation. Il faut savoir juste un truc :
En France, les traités ont valeur infra-constitutionnelle et supra-législative, et ce en application de l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » (condition de réciprocité).
Y a quoi dans ACTA ? Y a ça et un chapitre consacré à l’Internet, c’est ça qui pose problème et la méthode anti-démocratique aussi. Mais je sais vous avez peu de temps et moi aussi à y consacrer. Pour y voir (un peu) plus clair, je vous propose ce petit film, vous avez bien 6 minutes d’attention à y consacrer dans votre journée non ?
[faites tourner] ALERTE CITOYENNE: NON À ACTA STOP AU KRAKEN
envoyé par partipirate. – L’actualité du moment en vidéo.
Ce film vous a peut-être semblé alarmiste ou nécessitant un rééquilibrage avec d’autres points de vues. Je sais, c’est un réflexe légitime de beaucoup de bibliothécaires et de profs aussi : « équilibrons les points de vues ». Hum soit. Le point de vue de l’autre côté c’est : Le piratage c’est mal, c’est du vol, ça dévalorise la création et il faut protéger les industries culturelles et les auteurs, réguler Internet où tout est permis, cette grande poubelle où la vie privée est bafouée et terrain de jeu des pédophiles. Ce discours on l’entend au plus haut niveau de l’état.
Constater la très grande proximité d’ACTA avec Hadopi : on filtre et on sanctionne alors qu’on pourrait prendre à bras le corps le vrai problème : celui du financement de la création. Qui parle et expérimente sur cette question ? Qui sort d’une position exclusivement défensive chez les éditeurs, les majors, les détenteurs de droits d’auteurs en général ? Force est de constater que les expériences innovantes ne viennent pas des Editis ou des Hachette, mais des Manolosanctis ou des Publie.net… Se défendre, se protéger, surveiller l’usage de ses contenus, le trésor de guerre économique des droits cédés pas les auteurs. Cette logique, conduite au nom de la défense de la création s’accorde à merveille avec celle de la surveillance, bien au delà de la vie privée, que l’on songe aux caméras vidéo qui poussent comme des champignons. Jean-Marc Manach dans son dernier livre :
“Le problème, c’est le voyeur, pas celui dont l’intimité ou la vie privée est ainsi violée. Les paranoïaques ne sont pas ceux qui s’étonnent d’être surveillés, mais ceux qui veulent surveiller tout le monde à tout prix. La question n’est pas de savoir si nous avons quelque chose à cacher mais de la poser à ceux qui veulent nous ‘protéger’ sans notre accord.” p 138
Songez qu’ACTA c’est la généralisation de la paranoïa à une échelle mondiale avec des moyens techniques d’envergure au nom de la protection d’intérêt économiques issus du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle. Vous allez me dire que ça fait toujours théorie du complot ? Ben oui et il a fallu que des citoyens se battent pour montrer que le complot ce n’est pas d’alerter et d’extrapoler les risques d’un traité, mais que des citoyens s’invitent dans les négociations d’un entre-soi qui crée une norme juridique internationale en dehors de tout cadre démocratique. Là aussi c’est de rééquilibrage dont il s’agit. Les choses ont bien évoluées depuis le début des mobilisations dans le monde entier, en parler et faire pression est efficace. Il faut continuer !
Bien entendu Hadopi est là et même si ça se généralise les plus habiles et les plus engagés sauront contourner, sauvegarder des espaces des libertés, des TAZ, des zones d’autonomies temporaires cryptées. L’espace publique démocratique de l’Internet se réduira-t-il à des TAZ demain ? Je ne le souhaite pas et c’est radicalement opposé à mon engagement professionnel pour la libre diffusion des savoirs, en particulier dans les bibliothèques.
Après l’échec de l’opposition au rapport Gallo, contre lequel l’IABD s’est mobilisé, la menace ACTA est toujours présente. Voici les nouvelles avec le communiqué de la Quadrature du net :
Paris, 6 octobre 2010 – Les négociateurs de l’ACTA viennent de publier une version presque achevée de l’accord anti-contrefaçon. Il est toujours aussi dangereux. La publication de ce texte ne doit pas créer l’illusion de transparence, puisque tout le processus de négociations s’est déroulé à huis-clos. En outre, la version actuelle de l’ACTA pourrait profondément altérer l’écosystème d’Internet en transformant les intermédiaires techniques en police privée du copyright.
Après le dernier round de négociations la semaine dernière à Tokyo, les pays qui se sont rassemblés pour négocier l’ACTA ont décidé de rendre publique une version quasiment finaliséedu traité 1.
En dépit des garanties données par les négociateurs, l’ACTA consacre une approche dogmatique du droit d’auteur, et représente toujours une menace importante pour les libertés fondamentales des utilisateurs d’Internet. Une des dernières modifications du texte vise ainsi à étendre la portée du « chapitre numérique » pour criminaliser « l’usage illégal de moyens de diffusion de masse »2. Le texte appelle également à une coopération plus étroite entre fournisseurs d’accès à Internet et ayants droit, ce qui pourrait mener les pays partis à l’ACTA à la mise en oeuvre de mesures faisant des les acteurs d’Internet de véritables polices privées du copyright3.
De plus, l’ACTA établit un processus d’édiction du droit parallèle, distinct des organisations internationales traditionnelles. Le mécanisme de gouvernance proposé donne de facto un rôle clef au « comité ACTA » dans le processus de décision politique : il reçoit les amendements en provenance de tous les pays signataires et « décide s’il faut ou non proposer un amendement aux Parties pour acceptation, ratification ou approbation ». Les parties négociantes ont finalement décidé qu’il n’était plus nécessaire de définir des règles de transparence4.
Une fois le traité final signé, les Parlements joueront un rôle clé pour rétablir la démocratie et faire valoir les droits et libertés de leurs électeurs. Après l’adoption de la déclaration écrite par le Parlement européen5 ou d’une résolution anti-ACTA par le Parlement mexicain6, les élus doivent augmenter la pression et faire comprendre qu’ils s’opposent à la ratification de cette contrefaçon dangereuse de la démocratie qui impose des sanctions civiles et pénales.
« La publication de cette version quasi-finale de l’ACTA ne satisfait pas aux exigences de transparence nécéssaires à la démocratie, puisque les citoyens et leurs élus sont mis face au fait accompli. Si cet accord était mis en oeuvre, les droits et libertés des citoyens à travers le monde, ainsi que les processus démocratiques seraient gravement compromis. La ratification de l’ACTA doit être combattue par tout moyen » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’organisation citoyenne La Quadrature du Net.
2 réponses
[…] Une autre source intéressante à lire aussi se trouve ici Bibliobsession.net Acta on en veux toujours pas […]
[…] bien cette idée rafraîchissante en ces temps de police privée du copyright… […]