Le livre numérique, c’est de l’information numérique qui doit circuler 1/7
En ces temps de débat autour du livre numérique et d’un prix unique imposé, je vais publier dans les jours prochains quelques billets destinés à alimenter une réflexion autour des ressources numériques dans les bibliothèques publiques, plus particulièrement concernant le « livre numérique », avec l’objectif suivant :
Bien sûr la loi en discussion en ce moment donnera plus ou moins de marge d’innovation pour les bibliothèques publiques, mais je persiste à penser que cette réflexion est essentielle à moyen terme (cette loi est à court terme) si elle s’accompagne d’expérimentation avec des éditeurs. Mais encore faut-il savoir de quoi on parle, et d’où on part. L’expression livre numérique recouvre une réalité complexe. D’un objet tangible, le livre, l’ajout du mot numérique implique une triple dimension :
- le contenu texte, images, le livre numérique est un ensemble organisé de données, une forme ;
- le format qui conditionne à la fois la diffusion, la conservation et le mode d’accès à ces données ;
- la technologie d’écran qui conditionne l’interface avec laquelle l’utilisateur accède à ces données.
L’histoire des techniques montre que les supports de lecture (technologies d’écran et fonctionnalités associées) s’imposent à l’issue d’interactions complexes entre innovations, sociologie des usages et conditions économiques sur une période donnée. Les bibliothèques ne peuvent pour l’heure n’avoir qu’un rôle d’accompagnement d’une mutation sociale en cours, je crois que nous devons mettre notre énergie ailleurs que dans le prêt de supports de lecture.
En revanche pour le contenu et les formats les bibliothèques ont un rôle majeur à jouer, parce que des mutations sont en pleine cohérence avec leurs missions : contribuer à la circulation des savoirs en favorisant la rencontre entre des informations et des usagers. Si les bibliothèques sont des outils à disséminer des savoirs et si le livre numérique est d’abord de l’information, alors les bibliothèques se doivent de se positionner de manière à en favoriser la circulation la plus universelle possible. Pour moi c’est un présupposé très simple, mais très important sans préjuger de la pérennité de l’outil bibliothèque tel qu’il existe (sans prédire non plus sa disparition à moyen terme) du moment que ce que nous faisons contribue :
- au développement de la lecture,
- à la formation initiale et continue,
- à l’information et à la culture,
Ce qui est frappant je trouve c’est de comparer les objectifs d’une bibliothèque (organiser le savoir du monde pour des gens) avec les idées exprimées par les textes fondateurs de l’internet (organiser le savoir du monde pour des gens). L’avènement du numérique est un changement tellement profond… Marin Dacos et Pierre Mounier dans le Repères L’édition électronique posent que L’information au coeur du livre numérique, en dehors de son support de lecture, doit être :
- Lisible : une guerre des formats est un frein à l’émergence d’un marché stable et d’une diffusion d’une information interopérable et pérenne.
- Manipulable : L’information d’un livre numérique ne doit pas être figée. Pour être diffusée elle doit pouvoir être recomposée à volonté, indexée, annotée, copiée et collée, partagée.
- Citable : pour que l’information contenue dans le livre numérique soit insérée dans un ecosytème informationnel, il est nécessaire qu’elle soit citable, c’est-à-dire décrite (métadonnées) et identifiée.
Ces préalables posés, reste bien sûr à savoir comment les bibliothèques peuvent aujourd’hui se positionner dans un circuit économique permettant le financement de ces informations. Pas simple, il faut nécessairement un cap. Je dis simplement qu’à mon avis nous devons nous insérer dans cet écosystème depuis ce point de vue. Une fois cela posé, il ne semble pas possible d’imposer à des entreprises soucieuses d’effectuer une conversion industrielle (et idéologique) très profonde un seul et unique modèle économique. L’enjeu est de tenter de trouver des terrains d’entente et de pratiquer des expérimentations en adoptant une position d’accompagnement à l’émergence d’un marché grand public soutenable et accessible. A cet égard :
- les éditeurs ne développeront des offres pour les bibliothèques que s’ils voient un intérêt économique (au B to B) permettant l’émergence d’un marché grand public (B to C) ;
- Les usagers ne seront intéressés par de telles offres si elles ont des modèles d’accès et d’usages cohérents avec les tendances lourdes des usages qui existent aujourd’hui ;
- les bibliothèques ne seront perçues comme des intermédiaires utiles que si elles combinent une valeur ajoutée en terme de médiation, de service, voire de contenus exclusifs par rapport à une offre commerciale grand public.
La suite les jours prochains, to be continued. :-). Retrouvez la série sous le tag : livre numérique et bibliothèques
Merci pour ces réflexions. Il faut se donner le temps de la réflexion et de l’échange pour inventer les bibliothèques du XXIe siècle.
Merci, également, de citer notre ouvrage. Cela dit, il s’intitule « L’édition électronique » et non « L’édition numérique ». Dans l’ouvrage, nous défendons l’idée que le terme « édition numérique » évoque plus facilement la numérisation, qui n’est qu’un des trois temps de l’édition électronique…
Tiens c’est vrai, ça m’a semblé tellement naturel d’ecrire édition numérique…. Je comprends l’argument pour utiliser électronique mais d’une autre côté électronique associé à édition pousse vers le support, l’objet et non l’information… Je vais corriger. 😉