LibraryBin : insérer les bibliothèques dans la chaîne de valeur de l’édition numérique ? 4/7
[Ce billet fait partie d’une série sur le livre numérique et les bibliothèques, retrouvez les épisodes précédents dans l’ordre sous le tag : Livre numérique et bibliothèques]
A la New York Public Library, un bouton « acheter » a été mis en place dans l’application de prêt, pour rediriger vers le site de l’éditeur Le programme LibraryBin par Overdrive propose aux usagers que chaque achat de fichier permette de soutenir (sous forme de don financier) les bibliothèques partenaires du programme.
Il faut y voir un accompagnement des bibliothèques à l’émergence du marché de l’édition numérique… dans un contexte américain où les bibliothèques sont largement dépendantes des soutiens financiers non-publics. Le système se distingue du système français de droit de prêt en ce que le choix est intégralement laissé à l’utilisateur, rien n’est socialisé, là où le droit de prêt financé pour l’imprimé instaure une forme de licence légale à la source, avec redistribution aux auteurs. La différence fondamentale est bien sûr qu’ici, en France, on parle services publics qui sont déjà financés (socialisé) par l’impôt précisément parce qu’ils doivent donner une réponse à des enjeux forts : accès à l’éducation, à la formation tout au long de la vie.
Le droit de prêt imprimé prolonge ainsi l’existence sociale des bibliothèques en reconnaissant leur insertion dans la chaîne de valeur de l’industrie du livre. Malgré les débats houleux qui ont eu lieu lors de la mise en place du droit de prêt, on peut au moins lui reconnaître cette vertu. En somme, on pourrait dire que chaque livre acheté dans une bibliothèque pour être ensuite prêté contribue au soutien ds auteurs et par là même de l’ensemble du secteur.
Ce système américain vise le même objectif avec un financement non pas en amont, mais en aval. Il peut-être rapproché de la recherche de micro-financements considérés comme des voix d’avenir pour la presse, avec le nouveau site j’aimel’info permettant de soutenir des entreprises de presse, ou le système Flattr pour financer tel ou tel article à partir d’une mise mensuelle. En somme, il rendre lisible ce qui est toujours sous-entendu : les bibliothèques sont dans l’économie de marché, elles jouent un rôle non négligeable dans le marché des biens culturels et sont pourtant considérées pour ce qui est du livre numérique, comme une menace par les éditeurs.
Pour tenter de sortir de cette situation, je suis convaincu pour ma part qu’il va s’agir dans les prochaines années de savoir comment insérer les bibliothèques publiques dans la chaîne de valeur liée au livre numérique. Les débats autour de la loi sur le prix unique ont montré que la légitimation du rôle des bibliothèques par rapport à l’économie du livre numérique est entièrement à construire.
Librarybin n’est qu’un exemple bien imparfait : le système impose un achat à l’acte des livres, le plus souvent avec DRM et le site propose une assistance à l’achat et à l’utilisation des fichiers qui laisse apparaître le besoin d’un accompagnement technique très pointu…. De plus, selon ce blogueur, les tarifs appliqués sont prohibitifs (+50% pour certains titres) par rapport à l’achat du même livre dans une librairie en ligne…
Attention je ne dis en aucun cas que ce modèle est le bon, en l’état. Je dis qu’il ouvre une piste : si nous voulons des offres satisfaisantes, il faut peut-être rendre lisible auprès des usagers le rôle économique de passerelles des bibliothèques dans une période où elles peuvent jouer un rôle de promotion explicite de l’offre payante grand public en échange de modalités d’accès et de services de nature permettre la poursuite de nos missions dans de bonnes conditions.
C’est d’ailleurs bien ce que les bibliothèques proposent aujourd’hui à petite échelle avec certains fournisseurs (cyberlibris) : le libre accès de flux sécurisés en streaming à des ensembles de titres pour une population donnée, alors que ces titres sont dans le même temps revendus au détails en différents formats sur des plateformes commerciales.
Pour autant, les bibliothécaires français déjà réticents à afficher les couvertures de livres en provenance d’Amazon en assumant le partenariat commercial d’un service qui fournit gratuitement des vignettes dans les catalogues en imposant un retour de lien commercial sont-ils prêt à s’engager dans une voie plus explicite ? Rien n’est moins sûr…
La suite les jours prochains, to be continued. :-). Retrouvez la série sous le tag : livre numérique et bibliothèques
En fait, c’est une affiliation. Les bibliothèques proposent de vendre des fichiers numériques, en échange d’un reversement sous forme de fichiers. On pourrait le faire aussi pour des livres physiques via un partenariat Amazon ? 😉 Mince, j’ai du dire un gros mot. 😉
oui un peu gros mot quand même : j’imagine un gros éditeur français « imposant » ses ebooks dans un domaine pendant que l’élu se frotte les mains des économies réalisées. Il ya d’autres moyens de participer à l’émergence du liv_num, non ? Et tout n’est pas payant sur le Net : le rôle de référence des bibliothécaires doit aussi jouer sur ce terrain.
Je ne comprends pas le sens de ton commentaire Michel…
c’est la même idée pour les e-distributeurs chez Gallica : http://gallica.bnf.fr/partenaires_edistributeurs modèle non dénué d’ambiguïtés…
tsss pas de gros mot sur mon blog !