De l’importance du copier-coller dans la recherche d’information

Vous le savez, nous avons organisé avec Lionel Maurel et Olivier Ertzscheid la première copyparty de l’univers. Il s’agissait à travers cet évènement de faire comprendre l’importance des pratiques de copie et surtout leur légalité pour un usage personnel, dans certaines conditions. Nous aurons le plaisir de défendre notre candidature à l’occasion du prochain salon I-expo où nous sommes très fiers d’avoir été nominés pour le Trophée Documentation et Bibliothèque du futur !

Trop souvent envisagée à travers le côté obscur de la force : le plagiat, la copie est dévalorisée et synonyme d’une pratique paresseuse. Il n’est pas rare qu’elle soit interdite, en particulier dans le secteur de l’Éducation…Pourtant il s’agit d’une des composantes essentielles d’ appropriation de l’information aujourd’hui. Nicole Boubée, du LERASS – Laboratoire d’etudes et de recherches appliquees en sciences sociales l’a montré en 2008 dans un article en accès libre. Les slogans anti-copie ne résistent pourtant pas longtemps à une observation de terrain qui décompose les processus. C’était l’objet de ce travail de recherche :

A partir d’observations directes et d’entretiens d’autoconfrontation croisée auprès de collégiens et de lycéens, nous décrivons les caractéristiques formelles et conceptuelles de cette collecte d’extraits de documents primaires ainsi que les fonctions attribuées aux copiés-collés par les jeunes chercheurs d’information

Voici donc un copier coller des conclusions, j’ajoute des titres synthétiques :

La copie est partie prenante d’un processus

Une première indication de son importance dans l’activité est fournie par sa présence dans toutes les tâches, prescrites ou autogénérées. La pratique du copier-coller n’est donc pas strictement liée à la nécessité de communiquer à l’enseignant prescripteur une production finale.

C’est un mode essentiel de collecte

Comme composante du processus de recherche d’information. Ces collectes d’extraits de documents interviennent tôt dans l’activité et régulièrement tout au long de la recherche quel que soit le niveau et la tâche. (…) L’empilement des extraits dans l’ordre de « retrouvage », constant d’une session à l’autre, constitue une autre caractéristique majeure de ce mode de collecte. Il peut certes s’analyser comme une incapacité à organiser la documentation retrouvée (Pitts, Ibid). Mais divers éléments, verbalisations entre élèves s’assurant de l’empilement, remises à plus tard des opérations de mise en page pourtant jugées indispensables pour une lecture ultérieure, montrent la primauté accordée à la poursuite du processus informationnel et non au document en cours d’élaboration

Le copier-coller stabilise l’information du web et permet de construire un parcours de recherche

Les fonctions que les élèves assignent à leurs copiés-collés multiples renvoient avant tout à la nécessité d’écarter l’information non pertinente dans la masse informationnelle du Web, dans un temps limité, en fonction d’une tâche, à partir de leurs connaissances du thème de recherche. Mais on peut esquisser une autre compréhension du phénomène du copier-coller. Ce moment d’extraction de l’information et de dépôt dans le traitement de texte pourrait être traduit comme l’action de « stabiliser » la situation telle que formulée dans la perspective phénoménologique par les sociologues Garfinkel et Goffman et en LIS par Dervin (1983, 2005). Nous avons supposé qu’après chaque collecte un changement de direction était visible dans les requêtes. Sans que cela soit systématique, il est à noter que les requêtes après un copié-collé contiennent le plus souvent un nouveau concept.

Interdire le copier-coller n’est pas une bonne idée. Le situer dans un dispositif pédagogique d’apprentissage de la culture de l’information, est une bonne idée.

Conclure sur l’utilité du copier-coller dans les pratiques documentaires peut paraître difficile à entendre pour les pédagogues. Dans l’enseignement secondaire, les réponses pédagogiques visent généralement à éviter le copier-coller et à souligner l’importance du déploiement de la culture informationnelle dans les cursus. Dans ce cadre, nos résultats sur la pratique du copier-coller pourraient fournir une nouvelle piste didactique. En effet, s’il convient de pas sous-estimer les opérations de copier-coller alors il est nécessaire que les médiateurs et tout particulièrement les professeurs-documentalistes ne les interdisent pas dans les consignes orales ou écrites données aux élèves. Ceci suppose de mieux distinguer deux tâches, rechercher de l’information et produire un document de synthèse, afin de dissocier plus fortement les consignes données pour chacune d’entre elles. Le copier-coller devrait être autorisé dans les tâches de formulation du problème informationnel et d’interactions avec les systèmes de recherche d’information.

 

Silvae

Je suis chargé de la médiation et des innovations numériques à la Bibliothèque Publique d’Information – Centre Pompidou à Paris. Bibliothécaire engagé pour la libre dissémination des savoirs, je suis co-fondateur du collectif SavoirsCom1 – Politiques des Biens communs de la connaissance. Formateur sur les impacts du numériques dans le secteur culturel Les billets que j'écris et ma veille n'engagent en rien mon employeur, sauf précision explicite.

19 réponses

  1. Olivier Ertzscheid dit :

    Nicole BouBée 😉

  2. Berengere dit :

    Bonjour,
    j’aime beaucoup l’esprit qui souffle sur ce blog. La vitalité, les idées, tout.
    Ce n’est donc qu’un nuage dans le ciel que je pointerai, mais obsédée, je ne
    vois plus que lui.

    La copy-party … je ne crois pas que « notre » rôle
    soit d’inviter/inciter à la possession individuelle. Les bibliothèques ont
    cette substantifique-hallucinante moelle révolutionnaire que d’être des outils
    collectifs, de partage. S’il y a toujours appropriation, elle n’est éternelle
    que dans nos têtes, et physiquement temporaire. Alors pourquoi la copy-party? Ce pied
    de nez ne revient-il pas à soutenir les mouvements individualistes prônant
    le recevoir libéré du rendre, ou encore
    ceux qui consomment, consomment, consomment toujours plus d’objets, aveugles aux
    effets de cette super-consommation?

     

    Voilà. Quelques questions, quelques craintes.  Honnêtement, j’espère que vous aurez les
    arguments qui me permettront de voir les éléments manquants, qui m’aideront à construire une vision
    sereine de la copy-party.

    Au plaisir de vous lire !

  3. Berengere dit :

    Bonjour,
    j’aime beaucoup l’esprit qui souffle sur ce blog. La vitalité, les idées, tout.
    Ce n’est donc qu’un nuage dans le ciel que je pointerai, mais obsédée, je ne
    vois plus que lui.

    La copy-party … je ne crois pas que « notre » rôle
    soit d’inviter/inciter à la possession individuelle. Les bibliothèques ont
    cette substantifique-hallucinante moelle révolutionnaire que d’être des outils
    collectifs, de partage. S’il y a toujours appropriation, elle n’est éternelle
    que dans nos têtes, et physiquement temporaire. Alors pourquoi la copy-party? Ce pied
    de nez ne revient-il pas à soutenir les mouvements individualistes prônant
    le recevoir libéré du rendre, ou encore
    ceux qui consomment, consomment, consomment toujours plus d’objets, aveugles aux
    effets de cette super-consommation?

     

    Voilà. Quelques questions, quelques craintes.  Honnêtement, j’espère que vous aurez les
    arguments qui me permettront de voir les éléments manquants, qui m’aideront à construire une vision
    sereine de la copy-party.

    Au plaisir de vous lire !

    • Guenael Boutouillet dit :

       hello silvère, tiens, j’ai mis l’intervention de herve le crosnier (décembre, angers, http://mutationsnumeriques.wordpress.com/), en ligne, en attendant les vôtres (1 captation, 1 débat hebdo en juin), ici :

      , et il dit un très clair, très vrai, là-dessus, HLC :
      ‎ »l’ordinateur c’est un outil
      à faire deux choses: stocker/retrouver et copier/coller depuis 1984, c’est
      l’invention de Steve Jobs […] si vous voulez utiliser les ordinateurs en
      interdisant de copier, en interdisant de stocker […] faut pas utiliser
      les ordinateurs, y’a plein d’autres choses très bien – en particulier les
      livres imprimés ».
      visionnage conseillé, belle intervention (et bel article que le tien, ci-dessus). Guénaël Boutouillet

    • Guenael Boutouillet dit :

       hello silvère, tiens, j’ai mis l’intervention de herve le crosnier (décembre, angers, http://mutationsnumeriques.wordpress.com/), en ligne, en attendant les vôtres (1 captation, 1 débat hebdo en juin), ici :

      , et il dit un très clair, très vrai, là-dessus, HLC :
      ‎ »l’ordinateur c’est un outil
      à faire deux choses: stocker/retrouver et copier/coller depuis 1984, c’est
      l’invention de Steve Jobs […] si vous voulez utiliser les ordinateurs en
      interdisant de copier, en interdisant de stocker […] faut pas utiliser
      les ordinateurs, y’a plein d’autres choses très bien – en particulier les
      livres imprimés ».
      visionnage conseillé, belle intervention (et bel article que le tien, ci-dessus). Guénaël Boutouillet

    • Guenael Boutouillet dit :

       hello silvère, tiens, j’ai mis l’intervention de herve le crosnier (décembre, angers, http://mutationsnumeriques.wordpress.com/), en ligne, en attendant les vôtres (1 captation, 1 débat hebdo en juin), ici :

      , et il dit un très clair, très vrai, là-dessus, HLC :
      ‎ »l’ordinateur c’est un outil
      à faire deux choses: stocker/retrouver et copier/coller depuis 1984, c’est
      l’invention de Steve Jobs […] si vous voulez utiliser les ordinateurs en
      interdisant de copier, en interdisant de stocker […] faut pas utiliser
      les ordinateurs, y’a plein d’autres choses très bien – en particulier les
      livres imprimés ».
      visionnage conseillé, belle intervention (et bel article que le tien, ci-dessus). Guénaël Boutouillet

    • Silvae dit :

      Merci pour l’intérêt porté à l’esprit du blog :-). « Notre rôle » comme vous dites est multiple, il nous échappe (et il a bon dos!). Blague à part, le « recevoir libéré du rendre » oui c’est une critique que j’entends à la copyparty. Elle est directement liée au contexte juridique de la copie Privée qui justement pour réster légale doit rester privée. Voilà qui est insatisfaisant et vous identifiez là une contradiction qui est directement liée à l’amputation de la fonction même des bibliothèques à l’heure du numérique. Nées pour le partage, on cherche à limiter leur portée au nom de la lutte contre un prétendu piratage qui est un conservatisme industriel. La copyparty est aussi un moyen de poser ces questions et l’objectif est très largement atteint, vu la médiatisation qu’elle permet! Au delà, la copie permet un certain nombre de pratiques d’appropriation concrètes, je pense à ceux qui cherchent en recopiant à la main (ça on permet dans les bib, c’est noble la main) ou en prenant en photo (ça on interdit, c’est industriel, pourquoi ?) à s’approprier un contenu. Ce que montre l’article est que la copie numérique est aussi un support d’appropriation, c’est pourquoi je trouve la pratique à défendre dans un contexte où elle dépréciée, même déliée du partage. Elle facilite ce que vous mentionnez, « S’il y a toujours appropriation, elle n’est éternelle que dans nos têtes, et physiquement temporaire ». Vrai, mais voilà qui déconnecte l’appropriation de ses usages et justifie des interdictions en décalage avec eux.

  4. Berengere dit :

    Bonjour,
    j’aime beaucoup l’esprit qui souffle sur ce blog. La vitalité, les idées, tout.
    Ce n’est donc qu’un nuage dans le ciel que je pointerai, mais obsédée, je ne
    vois plus que lui.

    La copy-party … je ne crois pas que « notre » rôle
    soit d’inviter/inciter à la possession individuelle. Les bibliothèques ont
    cette substantifique-hallucinante moelle révolutionnaire que d’être des outils
    collectifs, de partage. S’il y a toujours appropriation, elle n’est éternelle
    que dans nos têtes, et physiquement temporaire. Alors pourquoi la copy-party? Ce pied
    de nez ne revient-il pas à soutenir les mouvements individualistes prônant
    le recevoir libéré du rendre, ou encore
    ceux qui consomment, consomment, consomment toujours plus d’objets, aveugles aux
    effets de cette super-consommation?

     

    Voilà. Quelques questions, quelques craintes.  Honnêtement, j’espère que vous aurez les
    arguments qui me permettront de voir les éléments manquants, qui m’aideront à construire une vision
    sereine de la copy-party.

    Au plaisir de vous lire !

  5. Bcalenge dit :

    Sincèrement, Silvère, je suis mitigé devant ce billet : il montre qu’effectivement tout acte de construction d’une pensée réfléchie passe par des phases d’accumulation-stabilisation de pensées extérieures (ce que tout documentaliste ressent comme évidence, tant il est le premier à pratiquer le copier-coller), et en même temps il pourrait laisser croire que le copier-coller est en soi une production de sens intentionnelle, ce qui va si bien dans l’air du temps…

    Le titre lui-même est ambigu : « De l’importance du copier-coller dans la recherche d’information ». Rien à dire sur cette réalité, valable pour tous, qu’il s’agisse du doctorant, du lycéen, ou du bibliothécaire. Mais le billet effectue un glissement insidieux de la légitimité de cette pratique dans le repérage des points d’ancrage (points de mémoire ?) à une autre légitimité de la production de textes autonomes.  

    Car, à ma connaissance du moins, personne n’a jamais interdit à un élève ou un étudiant de copier-coller des informations, références ou citations en vue de préparer (et seulement préparer !) la construction de son travail, bref de sa production spécifique. Et, en accord avec toi, je pense qu’il n’est pas inutile d’enseigner à ces élèves et étudiants non seulement la forme et les impératifs des productions qu’ils ont à rendre, mais aussi les méthodes par lesquelles ils pourront rassembler les idées et les organiser.

    Mais la production finale de cet élève n’est pas et ne doit pas être une concaténation !! C’est nécessairement une interprétation, réinterprétation, réflexion, remise en cause, etc. Bref, c’est une valeur ajoutée…

    Je ne dis pas cela tant à propos des élèves confrontés à leurs maîtres, que des bibliothécaires en situation de répondre aux demandes d’information qui leur sont adressées (Guichet du Savoir et Bibliosésame même combat !) : bien sûr que tous les bibliothécaires des services de questions-réponses en ligne pratiquent  avec la dernière habileté le copier-coller, et heureusement ! Mais leur bonne réputation vient d’abord du fait que :
    1 – ils assument leurs copier-coller avec les guillemets et mentions de source qui vont de soi ;
    2 – ils questionnent leurs sources, proposent celles qui leur paraissent les meilleures, y ajoutent d’autres perspectives….

    Alors, pitié, ne faisons pas du copier-coller un objet à part entière ! Laissons-le à sa place : la préparation, la réflexion, la mise en chauffe,…
    Mais en aucun cas la production d’une réflexion ou d’une synthèse !!

    • Silvae dit :

      Ce que tu soulignes est paradoxal, l’objet de mon billet est précisément de ne pas en faire un objet à part entière mais de le resituer dans un processus. Car c’est quand il est envisagé de manière brute qu’il pose problème. Quand il s’inscrit dans l’art de la citation de la synthèse ou du collage (toujours supposé moins noble que la synthèse, mais c’est une vraie pratique : créer des liens, assembler!) il est bien un moyen de réappropriation. L’article intégral que je cite mentionne bien que la sélection n’est qu’un étape dans un processus. Il me semble qu’on ne peut pas nier non plus une certaine crispation du monde enseignant ni même des journalistes face à une vision du copier-coller qui est dévalorisée parce qu’elle est ramenée à une pratique paresseuse, elle l’est certaines fois mais pas systématiquement. Je trouve préoccupant moi que des Universités investissent des milliers d’euros dans des logiciels anti-plagiat, donc anti-copie. Voilà qui sous couvert d’une ambition pédagogique, porte le soupçon sur la pratique même. Comment aussi ne pas voir le lien avec l’afaiblissement de la position de l’Auteur (avec un grand A) sensé créer à partir de rien, alors même que l’information se diffuse de manière virale et que toute création est une réappropriation d’autres ?

      • Bcalenge dit :

        Silvère, j’ai bien exprimé non une critique négative, mais une perplexité… Ce que tu exprimes est juste, juste, juste, mais… 
        Même s’il ne s’agit que d’un billet de blog, une fois encore le raisonnement du billet s’achève sur cette étape banale et préalable/intermédiaire/pré-structurante/etc.  du copier-coller, en négligeant d’aborder le second versant périlleux de la transformation en réflexion autonome. C’est cet arrêt sur image, trop souvent rencontré dès qu’on parle nouvelles pratiques ou nouveaux outils, qui me gêne.

        Tu parles réappropriation en parlant du copier-coller. c’est encore une fois vrai… à la condition exclusive qu’il y ait davantage que l’inclusion du coller dans une production personnelle. Je persiste à dire que la réappropriation n’existe qu’à condition que les guillemets et citations de source soient parties intégrantes du processus que tu évoques.

        Concernant les pratiques du monde enseignant (voire journalistique ? mais ce dernier est passé maître dans l’art du décalque des dépêches d’agence, et est donc à mon sens hors de propos), je suis évidemment d’accord avec ta critique de la confusion entre la fin et les moyens. Mais pour aller au bout de la démarche et la rendre moins ambiguë, j’aurais aimé lire tes observations sur la deuxième partie du processus, bref son aboutissement : comment passe-t-on d’une collecte de pensées et de données… à une proposition/interprétation/commentaire/etc. ?

        Enfin, un dernier petit mot sur l’Auteur (avec un grand A). Car c’est là que gît la vraie rupture. La divinisation de l’auteur flaubertien est un immense handicap dont nous autres bibliothécaires traînons le boulet, c’est hélas bien vrai. Mais le respect de l’authenticité est une autre tare dont nous autres bibliothécaires tendons justement à nous enorgueillir. 
        Alors, face à des productions évidemment issues de longues lectures et fréquents copier-coller génératifs (c’est normal et même souhaitable)  la vraie question n’est-elle pas : est-ce que ce que tu as écris finalement mérite d’être cité… avec des guillemets ? Bref, as-tu construit une parole ?

        • B. Majour dit :

          « Comment aussi ne pas voir le lien avec l’affaiblissement de la position de l’Auteur (avec un grand A) sensé créer à partir de rien, alors même que l’information se diffuse de manière virale et que toute création est une réappropriation d’autres ? »

          Même sentiment que Bertrand au sujet de ce copier-coller.
          Et je trouve bizarre, si ce n’est plus, de justifier un affaiblissement de la position de l’Auteur via la réappropriation par autrui.

          Si on regarde bien, le premier copier-coller est celui du mot.
          Le mot se diffuse de manière virale lui aussi.
          Via le langage, il est réapproprié par d’autres personnes. Le mot qui plaît, survit. Celui qui déplaît se fane et meurt.

          Globalement, dans notre langue, on a les mêmes mots à la disposition de tous.
          Des mots réappropriés par tous. (au moins pour le langage commun)

          Sauf que l’Auteur (avec un grand A) tire de ces mots quelque chose dont la majorité est incapable.
          Organisation, idées, mise en forme, cadence, rythmique… et nouveaux sens parfois. L’Auteur met tout cet orchestre en scène.

          C’est ce que souligne Bertrand lorsqu’il parle d’appropriation en vue d’une restitution.
          On a un abyme de différences entre l’Auteur créateur et le copieur (de mots).

          Une série de copier-coller n’est pas une création, sauf si elle est originale (originale = mise en scène de tout l’orchestre).

          Or bien souvent, cette mise en scène n’existe pas. On est dans un système de copying.
          Et je dirais même de copying mécanique.

          Oui, tout à fait, on a bien les dépêches de l’AFP reprises sans en changer un iota, n’y aucune mise en valeur. Mais aussi citations très longues de texte avec trois poils de commentaire. (quand le texte cité prend plus de place que l’auteur du blog, est-on bien dans une création… ou dans un plagiat qui cache mal sa misère ?)

          Certes, c’est de la transmission virale, mais l’auteur d’un tel blog, n’est pas un Auteur (avec un grand A), c’est juste un copiste. Ou un relais de transmission.
          Pas mieux qu’un relais de transmission hertzien. (Même s’il en faut, des relais hertziens 🙂 )

          On n’a donc pas, là, un affaiblissement de l’Auteur, mais au contraire une mise en valeur de l’Auteur créateur. Plus indispensable que jamais.

          C’est un peu, beaucoup, ce que les étudiants, les scolaires (et les pseudo journalistes) oublient lorsque leur restitution n’est qu’une série de copier-coller. Il n’y a pas création, mais recopie servile, telle une machine.

          Bien sûr, il y a cette phase de collecte. Indispensable collecte.
          Le bibliothécaire est un grand collecteur devant l’Eternel ;-). Mais il ne se prétend pas Auteur pour autant !

          Cependant, tout cerveau humain collecte sans arrêt des faits, des impressions, des sentiments, des images, etc. Sauf que nous ne sommes pas tous Auteur.

          Le copier-coller informatique (ou papier) n’est qu’un moyen pratique de collecter.
          Ce n’est pas le seul.
          Même si c’est un moyen essentiel dans une société de l’écrit, ce n’est pas le seul.

          Et les auteurs créateurs ne sont pas en train de copier-coller, à tour de bras, du texte d’autres écrivains pour pouvoir écrire. Ils collectent les données autrement, et bien souvent s’éloignent le plus possible d’un livre lorsqu’il s’agit d’en écrire un. Le plagiat, même inconscient, est si vite arrivé. L’Auteur n’est pas à la recherche de citations pour appuyer une thèse, ni comme le journaliste d’événements à relater. Et il peut partir du néant… sous-entendu des mots et de sa propre vie.

          En clair de tout ce qu’il a « collecté ».
          Donc ça me semble fallacieux d’en déduire un affaiblissement de l’Auteur, parce qu’il serait obligé de s’appuyer sur des copier-coller pour pouvoir écrire. C’est même mensonger.
          D’un cas particulier de collecte copier-coller, on veut établir une généralité.

          Et même dans le cas particulier des études ou du côté journalistique, voire de rapports/synthèses, etc. cette collection n’a aucune valeur sans mise en forme, sans liens entre les éléments, ou sans personnalité d’Auteur.

          Collecter, ce n’est pas une finalité.
          Même si on voudrait nous faire croire le contraire.

          Le droit d’auteur est dévoyé lorsqu’on reconnaît un tel droit à une base de données.
          Là, on est bien face à un affaiblissement du droit d’auteur.

          Le simple fait de collecter ne fait pas du collecteur un auteur, ne devrait pas le faire.

          C’est ce qui est fait du matériel collecté qui importe.
          C’est ce qui est créé.

          Sauf que… en tant qu’étudiant, on se pose rarement la question du : mais à quoi tout ça va me servir ? Qu’est-ce que je vais pouvoir en faire ?
          A se demander, même, si les profs sont assez ouverts pour se poser la question équivalente : qu’est-ce qu’ils vont pouvoir en faire ? Que vont-ils pouvoir créer avec ça ?

          Est-ce que c’est ça la différence entre un bon prof et un prof relais hertzien ?
          Entre un bon blogueur et un blogueur relais hertzien ?

          Là, je suis en plein copier-décoller. 
          L’inverse du copier-coller mécanique. :-))

          Et si je poursuis un peu cette piste.
          Est-ce que la FAC, lors des examens ou des devoirs, s’attend à un copier-coller (légèrement modifié) du cours du prof, ou bien à un copier-décoller ?

          La réponse du logiciel anti-plagiat t’indique l’orientation choisie.
          Le système de notation basé sur les connaissances « acquises » t’en donnent un autre.

          Tu disais : Le copier-coller stabilise l’information du web et permet de construire un parcours de recherche

          J’en déduis :
          Le copier-coller répétitif des cours stabilise l’information dans les cerveaux et permet de construire un parcours d’enseignement… bien balisé ?

          Dont le nom serait, par hasard : bourrage de crâne ?  ;o)

          Hum, ça mène loin le copier-coller.  😉

          Bien cordialement
            B. Majour
           

  6. Ziad dit :

    Et si vous passiez nous raconter ça à l’atelier des medias de rfi? Ce n’est pas très loin de la porte de Versailles 🙂

  7. Bonjour,
    à partir du travail de Nicole Boubée je pense qu’il est possible, dans l’enseignement, de légitimer le travail du copié-collé à travers la notion de « document de collecte ». C’est fondamental car beaucoup d’enseignants soit interdisent le copié-collé soit s’en contentent. Dans les deux cas, l’appropriation du savoir se fait mal. Or il s’agit en effet d’une pratique informelle répandue chez les élèves et sur laquelle il semble opportun de s’appuyer.
    Cela leur permet d’apprendre construire une première idée sur le sujet, d’établir une pré-sélection, définir un besoin d’information et revenir sur un cheminement de recherche (outils utilisés, sites visités). Associé à la méthode de la carte mentale, c’est un outil très pertinent et que les élèves même jeunes utilisent avec facilité.
    J’ai rédigé plusieurs articles sur le sujet sur mon blog
    http://mesdocsdedoc.over-blog.com/categorie-12364016.html

  1. 23 décembre 2015

    […] De l’importance du copier-coller dans la recherche d’information : mais pas n’importe comment, évidemment. […]