La première #copyparty dans un lycée a eu lieu !

Vous souvenez-vous de la première #copyparty intersidérale ? Organisée à la Bibliothèque Universitaire de la Roche-Sur-Yon, elle proposait aux participants de copier pour leur usage privé n’importe quel document de a bibliothèque, en s’appuyant sur l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle, à condition de le faire avec ses propres moyens de copie et sans briser de DRM, en toute légalité, tout simplement.

Attentifs aux usages et aux enjeux soulevés par la copie, nous avions été récompensés par le prix Bibliothèque et documentation du futur pour cette initiative, avec Lionel Maurel, Olivier Ertzscheid et votre serviteur.

Nous sommes donc particulièrement fiers de vous dire aujourd’hui qu’une #copyparty a eu lieu dans un lycée, le Lycée Rabelais en Vendée. Un grand bravo à Anne-Sophie Domenc et à Gildas Dimier, professeurs documentalistes et artisans de cet évènement à vocation pédagogique. La culture de l’information, il y a ceux qui en parle, ceux qui la porte en bandoulière et ceux qui agissent et construisent des dispositifs pédagogiques !

Au moment même ou le projet de Loi Peillon sur la réforme de l’école insiste lourdement sur une vision anxiogène de l’internet et sur le « respect du droit d’auteur » il est heureux que des professionnels de l’éducation ouvrent les portes et se saisissent de ces questions ! C’est aussi l’occasion d’insister : malgré les attaques de la Bnf relayée dans le rapport de la Hadopi, une copyparty est parfaitement légale. Voici la présentation de l’évènement sur le site du lycée :

Une Copy Party est un évènement permettant aux usagers d’une bibliothèque (ou d’un CDI en l’occurence) équipés de scanners, d’appareils multimédias ou d’ordinateurs portables de les amener pour copier des livres, cd, ou dvd en provenance des collections des bibliothèques dans un cadre strictement légal. La Copy Party permet également d’aborder de façon pédagogique les problématiques liées au droit d’auteur, à la copie , au plagiat, au partage de connaissances et à la notion de biens communs.

Concrètement, quel a été le dispositif pédagogique ? Gildas Dimier l’explique sur le site Cactus Acide qui a annoncé l’évènement :

Afin de remplir nos objectifs notionnels nous avons, dans un premier temps (6 séances), réparti les thématiques par groupe de deux à trois élèves qui ont travaillé sur le livre numérique, la lecture numérique, la copie privée, le plagiat, Hadopi, la copy party, les licences créatives commons, l’exception pédagogique et les Digital Rights Management (DRM). Outre la réalisation des infographies, qui constituait l’un de nos objectifs d’apprentissage, une partie des séances étaient consacrées à un moment de mutualisation de sorte que l’ensemble des élèves conserve une vue d’ensemble sur l’avancée du projet. Dans un second temps (3 séances), nous avons travaillé avec les élèves sur les documents qui seront distribués lors de la copy party : un rappel du texte législatif en vigueur accompagné d’un engagement formel à ne pas s’y soustraire ; un mémo sur l’utilisation technique des appareils (privé) de copie, ce qui constitue notre deuxième objectif d’apprentissage ; un questionnaire à remplir lors des différents ateliers qui seront proposés, et à partir duquel nous évaluerons les élèves.

Sans compter ceux qui, au cours de la journée, peuvent venir sur leur temps libre, environ 90 élèves sont attendus sur un créneau banalisé d’1h30. Ce faisant il nous a semblé préférable de répartir les élèves dans quatre ateliers avec des rotations tous les quart d’heure. Le premier atelier est l’exposition elle-même, constituée par l’ensemble des infographies réalisées par les élèves ainsi que le texte de présentation ci-dessus. Nous avons par ailleurs souhaité un atelier spécifique pour les Licences Creative Commons. Pour avoir noté les difficultés que pouvaient avoir nos élèves à comprendre ce qu’elles sont, il nous a semblé pertinent de déléguer quelques élèves « tuteurs » pour en expliquer le principe ainsi que les différentes combinaisons, qu’ils pourront expérimenter en ligne. Un troisième atelier, plus technique, va permettre aux élèves de manipuler une tablette ainsi qu’un graveur de DVD, ou encore de retravailler une photo à partir d’un logiciel d’OCR. C’est aussi lors de cet atelier que les élèves seront invités à signer un document récapitulant les conditions de copie inhérente à la copy party. Le quatrième et dernier atelier, plus réflexif, sera l’occasion d’un échange sur les pratiques des élèves ainsi qu’un espace de débat sur deux questions plus complexes : à propos de l’utilisation pédagogique des smartphones ; et sur le modèle économique de la copie privée, qui pour la culture a généré 191 millions d’euros en 2011, dont un quart finance des actions collectives.

Voici le livret explicatif, je le trouve particulièrement bien fait :

Voyez aussi ce certificat d’engagement a signer par les élèves :

Documentalistes, bibliothécaires, enseignants, voici un « kit copyparty » avec tous les documents nécessaires.

Voici le retour de Gildas Dimier :

Sur l’ensemble de la journée : 88 élèves dont 64 secondes, 18 BTS et 4 terminales ont été encadrés par quatre enseignants (deux professeurs documentalistes et deux professeurs de Lettres). Ils ont pu suivre quatre ateliers avec rotation des groupes (10 élèves) toutes les 15-20 minutes.

Au sujet de l’atelier « réflexion », dont j’avais la responsabilité, mais qui se voulait plutôt un temps d’échange et de conversation dans une approche bottom-up, j’estime que cela a été globalement satisfaisant. Les quatre élèves « tuteurs », au fur et à mesure de l’arrivée des groupes, se sont vraiment impliqués dans leur rôle. Nous nous situons bien sûr en contexte scolaire et je ne dirais pas que l’ensemble des élèves ont adhéré à ce qui leur était proposé au cours de cette matinée. Mais les quelques commentaires que j’ai pu relever (voir #copyparty) sont concluants sur la perception qu’ont, ou pressentent, les élèves des enjeux politiques et citoyens sous-jacents. Et ce d’autant qu’en fonction des contextes sociaux et scolaires certains d’entre eux arrivent démunis au lycée sur les questions liées au numérique. Selon les groupes et le questionnement des élèves j’ai évoqué avec eux leurs usages du numérique, en particulier la lecture numérique, en évoquant les DRM. Il est sans doute important de préciser que le taux d’équipement est encore très inégal. Ce qui peut, avec l’ « habitus », mais encore par simple préférence, expliquer un plus grand attachement à la « lecture papier ». Par ailleurs, j’ai questionné leur « relation » au plagiat et je leur ai demandé leur avis sur l’éventualité (le règlement intérieur de l’établissement l’interdit) d’une utilisation des téléphones portables et smartphones à des fins pédagogiques. Sur ce point, ils se supposent capables de pratiques raisonnées…, ce dont on peut raisonnablement douter pour certains. Enfin, nous avons parfois débordé sur l’identité numérique et la question du profilage qui les laisse incrédules et qu’ils rejettent en majorité.
L’objectif était d’appréhender avec eux les enjeux actuels du numérique. L’intérêt qu’ils ont porté aux Licence Creatives Common et aux DRM est une réponse très encourageante qui augure une conscience, souhaitons là éclairée, de ces questions. Reste désormais à nos collègues à s’emparer de ce projet, ce pourquoi nous tenons à leur disposition, disons… un « kit pédagogique » (documents supports…) de la copy party.

Le retour Anne-Sophie est d’avantage centré sur le dispositif pédagogique, il fait part des retours critiques c’était une première, il y a toujours des améliorations à apporter !

Les retours que j’en ai eu sont plutôt positifs. On abordait des notions peu connues des élèves (Loi sur la copie privée, DRM, Licences Créatives Commons…..) qui les ont interrogées. De plus la forme volontairement ludique du dossier à compléter, et la rotation d’ateliers a convenu aux élèves. Ils ne sont pas restés passifs. Je pense qu’il leur faudra quelque temps pour assimiler ces notions. L’atelier manipulation a plutôt tournée à l’atelier : « Prenons des photos et testons une tablette numérique » (nous venions d’en acheter une pour la copy party). En même temps, les élèves ont pu manipuler des outils nouveaux pour eux, ce qui est toujours bien. Cependant, si jamais cet atelier venait à être développé, j’aimerais plutôt travailler la réflexion sur l’outil et sur le produit : pourquoi utiliser une tablette ou un smartphone , ou un appareil photo … réflechir au fait qu’on puisse être prisonnier d’un produit, d’un logiciel, d’un moteur de recherche, d’un système d’exploitation. Nous avons abordé le problème avec les liseuses et nous avions fait le lien avec d’autres appareils multimédia. .
Côté enseignants, la Copy party est davantage perçue comme une réflexion sur les outils numériques plutôt qu’ une réflexion sur les biens communs, et l’exception pédagogique. Il m’avait pourtant semblé avoir insisté sur ces derniers points. Cela viendra avec le temps, je suppose. Une enseignante s’est d’ailleurs montrée très intéressée par ces questions
Globalement, même si je vois surtout les défauts à améliorer, je pense que la copy party en lycée est une bonne façon d’aborder le problème du droit d’auteur, des biens communs et l’exception pédagogique. Nous allons mettre très rapidement en ligne sur l’ENT du lycée les outils que nous avons élaborés, sous Licence Créative Commons (créee par les élèves). Ainsi, les personnes intéressées auront un « Kit Copy-Party » prêt à l’emploi, utilisable et modifiable

Voici enfin une courte revue de tweet, qui montre les réactions à cet évènement sur twitter et certains retours des élèves eux-mêmes ! Les tweets ne sont pas ceux des élèves et pour cause : les smartphones sont interdits dans les établissements scolaires.

Retours de la #copyparty du lycée Rabelais

Tweets sur la première #CopyParty dans un lycée !

Storified by Silvae · Fri, Dec 07 2012 12:46:17

RT @gwildaz: Au CDI ce matin, c’est #copypartyEric Garnier
RT @affordanceinfo: c’est vendredi c’est en #vendee c’est en lycée c’est au CDI, c’est une #copyparty !! 🙂 http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=6461 #bravoauxorganisateursPauline Jourdan
Jeme rend compte que la #copyparty du lycée Rabelais a lieu 9 mois après celle de la Roche. La mère et l’enfant se portent bienCDI – lycée Rabelais
Pour sensibiliser au droit d’auteur à l’école, mieux vaut des #CopyParty ? http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=6461 Ou de la propagande ? http://www.numerama.com/magazine/24445-le-respect-du-droit-d-auteur-doublement-enseigne-a-l-ecole.htmlS.I.Lex
Un enseignant vient de passer. il veut faire les ateliers avec ses élèves. #copypartyCDI – lycée Rabelais
RT @CDlyceerabelais: #copyparty – 1 atelier sur les licences Créatives Commons – 1 atelier technique : comment copier (avec engagement à signer)Luc Dall’Armellina
#copyparty si on respecte trop le droit d’auteur, si c’est trop protégé, on n’a plus accès à la connaissance (élève).Gildas Dimier
#copyparty le livre numérique c’est pas un livre, c’est un fichier (élève)Gildas Dimier
#copyparty Bon, en fait, selon cet élève, ce n’était pas la première ;-)Gildas Dimier
#copyparty la 1ère photo au CDI… une liste d’écoles pour l’orientation d’un élève… qui en profite pour emprunter le document.Gildas Dimier
#copyparty lecture imprimée (21 voix) – sans opinion (8 voix) – numérique (6 voix) : habitus, égalité des chances,..?Gildas Dimier

Silvae

Je suis chargé de la médiation et des innovations numériques à la Bibliothèque Publique d’Information – Centre Pompidou à Paris. Bibliothécaire engagé pour la libre dissémination des savoirs, je suis co-fondateur du collectif SavoirsCom1 – Politiques des Biens communs de la connaissance. Formateur sur les impacts du numériques dans le secteur culturel Les billets que j'écris et ma veille n'engagent en rien mon employeur, sauf précision explicite.