Faut-il collectionner des livres numériques dans les bibliothèques ?
J’ai récemment publié un article dans lequel je soulignais un certain nombre de points soulevés par le Rapport Lescure à propos du livre numérique en bibliothèque. Alexandre Lemaire, de la Communauté Française de Belgique en commentaire puis dans un article publié sur Actualitté s’interroge au sujet du contrôle d’accès à l’abonnement qu’il assimile à à modèle d’achat par abonnement. Sa prise de position me permet non pas d’entrer dans une vaine polémique, mais de poser avec lui une question importante : faut-il collectionner des livres numériques dans les bibliothèques ?
Avant de répondre à la question, encore faut-il préciser quelques notions. Le contrôle d’accès par abonnement c’est l’idée de ne plus imposer aux usagers des bibliothèques des DRM contrôlés par fichiers avec une chrono-dégradabilité (le fichier est illisible au bout d’un temps donné), mais de contrôler si les usagers sont bien inscrits via la bibliothèque pour accéder à un contenu, une fois pour toute sur un ensemble de contenus, comme ça se passe actuellement pour bon nombre de ressources numériques. Cette position est une position de l’Association Carel suite à un vote en conseil d’administration: elle figure en toute lettre dans les recommandations sur le livre numérique. L’idée de ce texte était de clarifier les positions des bibliothécaires pour les acteurs du secteur de la même manière que Couperin l’avait fait quelques années avant dans les 10 commandements à l’éditeur d’e-book.
Le texte publié par CAREL est une avancée timide vers une position plus respectueuse de la qualité de l’expérience utilisateur du livre numérique dans les bibliothèques, mais cela est loin d’être suffisant. Sans pour autant mettre un DRM lié au temps, les éditeurs peuvent par exemple imposer une restriction en nombre de licence simultanées par titre limitée à un lieu, ce qui n’est pas moins pire qu’un DRM chronodégradable ! Dans leur quête de restrictions, nombre d’éditeurs sont loin d’avoir abandonné la funeste notion d’exemplaire numérique et le streaming ne signifie en rien un accès illimité à l’ensemble d’un catalogue, bien au contraire. Il faut souligner comme le fait la Quadrature du Net un fâcheuse tendance à vouloir mimer les logiques économiques de la rareté dans un univers où les contenus sont reproductibles à grande échelle et à bas coûts. Alors comment s’y retrouver ?
D’une part, il faut faire une différence fondamentale entre les modèles d’achat et les modèles d’accès. Les modèles d’achat c’est ce que la bibliothèque achète à ses fournisseurs, ce sur quoi est fondé ce qu’elle paie. Les modèles d’accès c’est la manière dont est proposée une expérience aux utilisateurs. Le second ne devrait jamais être sacrifié au premier. Le problème est que bien souvent, on tisse de fausse équivalences entre les deux : une bibliothèque qui fait un achat titre à titre proposera du « prêt numérique » avec DRM chronodégradables. Or les DRM chronodégradables représentent une expérience catastrophique pour les utilisateurs. C’est bien ce qui est refusé par l’association Carel et le Rapport Lescure lorsqu’ils recommandent un « modèle d’accès à l’abonnement », là où Alexandre Lemaire a entendu un modèle d’achat à l’abonnement.
J’avais expliqué la dangerosité du modèle d’accès du prêt numérique dans ce billet : Pourquoi donc vouloir contrôler la durée d’usage d’un fichier ? Pourquoi le contrôle de la durée d’usage ne peut-il par porter sur un ensemble ? Ne peut-on pas penser à des systèmes d’abonnements ? Contrôler non pas l’accès à des fichiers uniques mais à des ensembles de contenus ? En fait, c’est bien ce qu’on nous propose avec les « ressources numériques » depuis des années. Est-ce qu’il vous viendrait à l’idée de payer une par une les vidéos de Vodéclic et de proposer chaque vidéo avec un temps limité ?
Le paramètre nouveau, peut-être le plus difficile à comprendre est que la finitude du livre numérique, le fait qu’il soit détachable du web pour être lu sur une tablette en mode non-connecté n’est pas du tout une condition qui rend nécessaire le contrôle d’accès au fichier. Les marchands de musique ont bien compris que la lecture hors-ligne implique de contrôler à chaque reconnexion que la personne est toujours abonnée : si oui les fichiers sont maintenus, si non, ils sont effacés. Pas de contrôle au fichier, mais un contrôle à l’abonnement. Certaines plateformes comme Youboox proposent même des modèles équivalents pour les livres. L’entreprise est en plein essor, elle vient de lever plus de 500 000€ auprès d’investisseurs et vient d’être choisie par la SNCF pour proposer des livres numériques aux voyageurs !
D’autre part, l’alternative entre streaming et téléchargement n’en est pas une, la meilleure preuve est d’aller voir le modèle proposé par l’Immatériel qui propose sur les tablettes de conserver pour un usage hors ligne (donc de télécharger) les titres accédés en streaming! Les commerçants habiles comme l’est cette entreprise savent s’adapter à la variété des demandes des utilisateurs :
Cette alternative téléchargement/streaming est piégée parce qu’elle brouille le débat en assimilant modèle d’accès et modèle d’usage, on a l’impression qu’il faut acheter titre à titre pour proposer téléchargement et acheter en bouquet pour proposer du streaming, c’est faux ! Il est parfaitement possible de mettre à disposition un bouquet ou, à la limite un ensemble constitué titre à titre sous la forme d’une base de données à l’accès sécurisé tout en permettant des usages hors ligne (assimilables à un téléchargement) sur des tablettes (pas sur des liseuses). Il devient impossible aujourd »hui d’affirmer que le streaming ou le téléchargement sont l’un ou l’autre préférable, le fait est que les deux coexistent dans les modèles d’accès. En revanche, il est à mon avis possible pour les modèles d’achats d’exprimer une préférence du point de vue de certaines bibliothèques.
A. Lemaire lorsqu’il indique sa réticence à ce que les bibliothèques gèrent des robinets de contenus pose la question clé : faut-il que toutes les bibliothèques possèdent pleinement les titres qu’elles achètent ? Faut-il qu’elles constituent des collections pérennes de livres numérique ?
Il répond à ces questions en distinguant les bibliothèques patrimoniales des autres. Il a parfaitement raison et c’est primordial de rappeler que l’écrasante majorité des bibliothèques publiques n’a aucune vocation patrimoniale. La majorité des bibliothèques n’a aucune raison intrinsèque de souhaiter constituer des collections pérennes pour les générations futures, ce n’est pas son rôle. Quel est-il ? Il est de favoriser la diffusion des savoirs en mettant en oeuvre des dispositifs de rencontre entre des contenus et des publics. Si l’on a cet objectif en tête, la question est : comment le mener à bien avec la meilleure efficience possible, c’est-à-dire le meilleur rapport entre le résultat que l’on va obtenir et les moyens consentis pour arriver à ce résultat. Quand on prend en compte ces deux éléments pour les bibliothèques à vocation non patrimoniales, Alexandre Lemaire livre lui-même la clé (comme quoi nous ne sommes pas en désaccord) :
Je vois par ailleurs un avantage intéressant à prendre des abonnements à de larges bouquets : c’est celui pour les bibliothèques de pouvoir potentiellement proposer davantage de titres à leurs usagers puisque cela revient – à court et moyen terme en tout cas – beaucoup moins cher au titre qu’une offre d’achat titre à titre.
L’argument souvent avancé par les tenants de la constitution d’une collection versus un bouquet clé-en-mains qui n’est pas maîtrisable peut se résoudre en prenant tout simplement en compte l’objectif que se donne la bibliothèque publique, rappelé ci-dessus. Faut-il pour mettre en contact des contenus numériques et des publics investir du temps de cerveau de fonctionnaire payé sur de l’agent public dans deux opérations ou dans une seule ? Faut-il demander à des acquéreurs de livres imprimés d’acquérir des livres numériques ET d’en assurer une médiation ? Ne faut-il pas plutôt qu’une personne négocie des accès et que l’énergie se concentre ensuite sur la médiation ? Pour ma part, il me semble tout à fait évident que de passer du temps à constituer, hors bibliothèques patrimoniales, des collections titre après titre dans toutes les bibliothèques publiques françaises représente une dépense en temps de travail donc en argent public considérable. Et puis, quand on y pense, si le numérique permet d’avoir accès à énormément d’information à coût très faible, pourquoi se priver d’offrir le choix le plus vaste ? Ce tropisme de la collection chez les bibliothécaires fait oublier que l’existence d’une collection imprimée n’est que la conséquence de la rareté de l’espace disponible dans les bâtiments que sont les bibliothèques. Le numérique permet de briser cette rareté, ce qui déplace l’enjeu de la collection vers la médiation des contenus.
Car le temps de collecte des livres numériques c’est le temps qui n’est pas passé à travailler à l’enjeu réel, celui de la médiation, c’est à dire des dispositifs qui, concrètement, vont permettre d’obtenir des « résultats » (mesurables, il existe une norme pour ça elle est en cours de révision) avec une efficience raisonnable. Si l’on s’engage dans la constitution de collections de livres numériques titre à titre, le risque est grand de n’avoir le temps que de faire très peu de médiation, donc de s’éloigner des objectifs poursuivi tout en ayant une efficience très mauvaise… Dans un contexte budgétaire tendu, ça me semble risqué. Cela plaide pour des solutions qui permettent de proposer une offre la plus vaste possible in situ (c’est e cours) et à distance (pas gagné), de manière à donner une « illusion d’illimité » à des publics qui ne devraient pas être frustrés par la disponibilité de tel ou tel titre, mais par la difficulté à choisir entre tel ou tel. Ce sur quoi il faut concentrer des moyens, c’est bien l’expérience de l’utilisateur, pas le tropisme de collectionneur du bibliothécaire. Maintenir la volonté de constituer des collections, revient enfin à constituer des enclos là où on devrait pouvoir pratiquer des recommandations à grande échelle. N’est-il pas formidable de pouvoir proposer tous les Que-sais-je en streaming via Cairn aujourd’hui, sans que chaque bibliothèque n’ai souhaité y refaire sa propre sélection ? C’est bien de réservoirs de contenus sous droits pour faire de la médiation dont nous avons besoin.
Les arguments techniques évoqués par Alexandre ne sont pas pour moi des obstacles infranchissables pour la plupart des grandes bibliothèques, il nous faut dans tous les cas des identifications uniques et des outils capables de se connecter à des webservices et des API. Il nous faut même mieux, des catalogues et des SIGB dans les nuages. Pour les plus petites, la mutualisation et la négociation prend sens, avec toutes les déclinaisons possibles et nécessaires à mettre en place en marque blanche. Pourquoi après tout ne pas se dire que des BDP, des plateformes de distributeurs et/ou les éditeurs ne pourraient fournir des services de ce type qui sont déjà proposés aux bibliothèques ?
Cet extrait du rapport Idate laisse deviner ce qui se prépare peut-être au sujet de l’achat titre à titre :
(…) les éditeurs et leurs distributeurs ont cherché à limiter les licences cédées aux bibliothèques, comme indiqué dans la section « Licence illimitée ou limitée ». Une autre approche se fait jour, celle d’une augmentation du prix de vente aux bibliothèques.
Plutôt que de limiter l’étendue des droits concédés (en durée, en nombre de prêts, en nombre d’utilisateurs simultanés), ce qui génère une gestion complexe des licences, certains éditeurs proposent aux bibliothèques un prix d’acquisition très supérieur à celui du prix grand public. C’est le cas de plusieurs éditeurs nord -américains, qui ont récemment renchéri leurs prix (Random House, Hachette).
Ce modèle se rapproche :
· de celui des logiciels professionnels : une licence multi-utilisateurs y est facturée à un prix supérieur à celui d’une licence mono-utilisateur.
· de celui du prêt de DVD dans les bibliothèques : le prix d’un DVD pour une bibliothèque est supérieur à celui pratiqué pour le grand-public, car l’achat inclut la possibilité de le prêter.
Ce nouveau schéma, qui émerge seulement, présente plusieurs avantages :
· il simplifie la gestion des licences; · il satisfait la volonté majoritaire des bibliothèques de conserver la propriété à long terme des titres numériques acquis;
· il intègre la bibliothèque comme un des canaux de distribution des éditeurs, plutôt que comme une concurrence au circuit commercial. En contrepartie, bien entendu, il renchérit à court terme les coûts de constitution des fonds numériques des bibliothèques, mais leur assure une meilleure visibilité que par le système de renouvellement permanent des licences.
Ainsi une des voies explorée aux Etats-unis est-elle de proposer un modèle d’accès avec une expérience utilisateur plus favorable : moins de restrictions d’usages, en contrepartie d’une augmentation des coûts pour chaque titre acheté. Voyez le tableau qui est proposé :
C’est bien une forme de droit de prêt qui est proposé ici, sur le même modèle que l’ADAV pour les vidéos, avec une différence majeure : le droit de prêt des DVD est attaché au support, acquis définitivement par la bibliothèque. Ici, on parle d’une licence perpétuelle sans bien savoir ce que ça signifie. Dans le même rapport Idate :
Les licences perpétuelles le sont-elles réellement ? Le cas Kansas State Library Vs OverDrive Les bibliothèques conservent-elles l’usage des licences perpétuelles qu’elles ont acquises quand elles changent de plate-forme de distribution ? Cette ambiguïté a été mise en lumière lorsque que le Kansas State Library Consortium a souhaité en 2010 changer de prestataire, en raison notamment d’une hausse annoncée des tarifs d’OverDrive. Le Consortium souhaitait pouvoir faire migrer les titres acquis vers une nouvelle plate-forme, celle développée par 3M. Après une année de discussion, le Consortium a obtenu gain de cause, en raison des dispositions du contrat qui le liait à OverDrive, qui autorisait le transfert des licences acquises, mais sous réserve de l’autorisation des ayants-droits. Le Consortium a donc dû identifier et solliciter l’ensemble des éditeurs des livres dont il avait acquis les licences. OverDrive a depuis modifié cette disposition contractuelle : selon le nouvel article, une bibliothèque ne peut continuer à utiliser les licences acquises en cas d’interruption du contrat avec OverDrive. Dès lors, il n’existe de licence perpétuelle que tant qu’une bibliothèque conserve le même fournisseur.
On voit bien que la revendication d’achats numériques pérennes heurte de front les éditeurs ET les distributeurs ! A voir la frilosité des grands éditeurs français, je doute d’une réaction différente… il faut le dire : il est aujourd’hui impossible d’acheter de manière pérenne des livres numériques. La cellule Ebook de Couperin fait le même constat :
L’archivage et la livraison des fichiers numériques, dans le cas des modèles d’acquisition par achat, ne sont toujours pas proposés. Les bibliothèques continuent donc d’acheter des accès plus que des documents et restent tributaires, pour la pérennité, des engagements des fournisseurs.
Comment penser un instant qu’il s’agit d’une voie dans laquelle toutes les bibliothèques doivent s’engager ? Pensez-vous que si nous persistons TOUS à vouloir acheter titre à titre des collections pérennes les budgets des bibliothèques y suffiront ? Au mieux, il ne s’agit de rien de moins que de doubler nos budgets d’acquisition annuels sans même compter l’investissement dans les infrastructures techniques… On voit bien que dans le meilleur des cas, seules les grands établissements à vocation patrimoniale seront susceptibles d’un tel effort budgétaire sur des corpus restreints. Mais qu’en est-il des bibliothèques des territoires de la lecture publique hors bibliothèques municipales classées ? En réalité les modèles d’achat sont déjà là : des modèles d’achat au titre ou sur des ensemble de titre et des modèles d’accès par titre ou par ensemble de titres assortis de restrictions. Situation hétérogène qui ne pourra perdurer très longtemps et qui évolue déjà.
Sans entrer dans les détails, le projet PNB (prêt numérique en bibliothèque) qui s’annonce proposera aux bibliothèques du prêt numérique et de l’achat à l’acte via les libraires. Bien sûr les présentations officielles affirment que tous les modèles sont envisagés, mais ce sont les biens les libraires qui seront nos interlocuteurs et ils n’entendent rien d’autre que des modèles d’achat de fichiers protégés à l’unité. Ce projet est encore peu connu et représente pourtant un levier de développement des offres de livres numériques pour les bibliothèques. Si en réponse à ces offres en préparation les bibliothèques y adhèrent sans recul, le risque est très grand que ayons le pire du livre numérique : des accès chers à des fichiers, de l’achat d’accès titre à titre et des restrictions d’usage.
Dans un tel schéma la vente titre à titre présente le risque de constituer un terrain très favorable à un droit de prêt par titre, dans une logique de compensation qu’on voit déjà poindre, en Belgique précisément. Attention, je ne dis pas que les achats par abonnements sont une solution à ce problème, simplement qu’ils ont l’avantage de pouvoir fonder des modèles d’achat sur d’autres critères que la vente par titre. Les modèles d’achat à l’abonnement, si imparfaits soient-ils ont au moins l’avantage de sortir de l’idée de « constitution de collection » et nous déshabituer à la gestion de droits par titre…
Revenons un instant à l’affirmation d’Alexandre Lemaire quant au rapport Lescure : « Ce n’est pas le rôle de l’Etat français » que de recommander un modèle d’accès dans un contexte non stabilisé. D’abord, le rapport Lescure n’est pas loin s’en faut la position du gouvernement français, mais bien celle du rapporteur de la mission confiée par l’actuelle Ministre de la Culture et de la communication. C’est bien le rôle d’un rapporteur que de faire des propositions et des choix, c’est bien ce qui a été fait. Rappelons en outre que le secteur de la culture, plus encore celui du livre est un secteur dans lequel les pouvoirs publics sont particulièrement interventionnistes, au moins depuis 1981. Qui plus est, lorsque j’ai participé au nom de l’IABD aux discussions qui ont eu lieu à l’occasion de la loi sur le Prix Unique du livre numérique il a été très clair que le législateur avait, justement, la ferme intention d’inscrire pour les bibliothèques publiques le livre numérique dans un seul modèle : la vente à titre à titre pour les livres numériques dits homothétiques.
Ce n’est qu’après une bataille assez intense que les bibliothécaires représentés par l’IABD ont obtenu que le décret de la loi permette de faire varier le prix en fonction des modalités d’accès et d’usages lorsque l’usage est collectif. Nous avons bel et bien échappé à une situation dans lequel l’État ne voyait pas d’inconvénient à graver dans le marbre un seul et unique modèle économique, ce billet d’aujourd’hui et tous les débats autour du livre numérique auraient été tranchés une fois pour toute.
(A. Lemaire étant Belge, il n’est cependant pas sensé connaître ces subtilités de nos débats hexagonaux, je rappelle ces éléments pour mémoire.)
Si la vente titre à titre s’installe, le mimétisme avec l’univers de la rareté sera complet, serons-nous alors capables de négocier des diminutions des restrictions des usages sur le modèle américain ? A quels coûts ? J’ai tendance avec quelques années de recul à voir une certaine cohérence entre les velléités des pouvoirs publics de figer un modèle d’achat à l’acte dans la loi sur le prix du livre numérique et les risques de déséquilibres majeurs d’un système d’achat-prêt numérique par titre, le tout en faveur des industriels, au détriment des budgets publics…
Devoir choisir entre des restrictions d’usage ou des budgets prohibitifs, est-ce le futur du livre numérique pour les bibliothèques ? Dans ce contexte, je pense pour ma part que miser sur des offres dont on loue des accès « dans les nuages » avec des modèles d’accès contrôlés à l’abonnement quitte à devoir négocier des tarifications à l’usage les plus proches des usages réels est moins pire que d’investir dans quelques milliers de titres achetés à prix d’or même avec des accès soit-disant perpétuels…
Au delà des positionnements politiques, c’est un débat de fond(s) (ok jeu de mot facile) : faut-il constituer des collections pré-sélectionnées dans une logique d’acquisition-médiation sur une offre étroite, ou se connecter à de vastes entrepôts de flux pour donner une illusion d’illimité à des publics en pratiquant des politiques de médiation fondées sur l' »aide aux choix » ?
Alors que ce débat se développe dans le secteur des bibliothèques publiques, il est toujours intéressant de voir ce qui se passe du côté de l’information scientifique et technique où l’on a un peu de recul. Je cite le passage in extenso de la synthèse de la cellule ebook de Couperin concernant les agrégateurs multi-disciplinaires :
Le prestataire de la plateforme regroupe des titres d’éditeurs différents, dans divers domaines. La couverture disciplinaire est large et le nombre de titres disponibles est grand : 60 000 à près de 650 000. La langue des documents est très majoritairement l’anglais et les types de documents variés : monographies, manuels, essais, ouvrages de référence, actes de congrès, etc. Seul l’un des fournisseurs anglo-saxons a nettement étoffé son offre francophone. L’unique agrégateur français reste cependant celui qui propose le plus large catalogue de titres en français. On note l’absence de manuels à jour, en dépit de quelques avancées.
Dans les formules d’achat présentes depuis longtemps, l’achat pérenne au titre reste le modèle économique dominant, parfois associé à des offres d’abonnement, sur titre ou sur bouquet chez trois prestataires sur cinq. À côté de ces modèles, on note la généralisation ou l’accroissement de modèles tarifaires plus récents :
- le modèle du Patron Driven Acquisition (PDA) s’est généralisé chez tous les agrégateurs pluridisciplinaires représentés. Le lecteur final déclenche l’acquisition par son usage ;
- le « short loan » permet un abonnement court (de un à 28 jours) à un ou plusieurs titres, chez deux prestataires.
Selon les éditeurs et le mode d’acquisition choisi, les accès simultanés sont uniques, multiples ou illimités. L’accès nomade est depuis l’an dernier possible avec tous les dispositifs (reverse proxy, fédération d’identités) sauf chez l’un des prestataires.
Les modalités de lecture restent diverses selon la plateforme et le choix de lire en ligne ou de télécharger (emprunt par le lecteur d’un fichier chrono dégradable). En général, la lecture en ligne ne nécessite pas de logiciel spécifique. A l’opposé, le téléchargement se fait toujours via le logiciel Adobe Digital Edition (gestion des DRM) ce qui nécessite une installation sur chaque appareil de lecture et est une contrainte importante dans le contexte des bibliothèques. Les documents sont généralement au format PDF, l’ePub étant désormais opérationnel chez deux fournisseurs et annoncé chez un troisième. Les fichiers sont tous annotables et la lecture sur liseuses et tablettes se généralise, un seul prestataire n’en offrant pas encore la possibilité.
Les services associés sont complets chez les éditeurs anglophones : récupération des notices au format MARC, statistiques COUNTER, formation et assistance technique aux utilisateurs.
Les impressions et les téléchargements pérennes par les lecteurs sont limités et très restrictifs (limitation du nombre de pages, tatouage) Le PEB est admis chez trois des cinq prestataires, mais de façon très encadrée et limitée (portion du document, tatouage). Quand la copie de sauvegarde est possible, elle est très contrainte.
On voit bien ici que lorsque des modèles d’achats pérennes au titre sont pratiqués par les bibliothèques, celles-ci ne peuvent pas proposer des modèles d’accès permettant une libre mise à disposition du fichier acquis. Ce qu’on achète c’est toujours des droits, jamais des fichiers. Voilà qui renforce la conviction au fondement de cet article : les modèles d’achat titre à titre ne sont pas efficients (coût du temps de travail pour sélectionner, coût par titre et risques juridiques). Mieux vaut de mon point de vue concentrer l’effort de négociation sur des modèles d’achat en bouquet avec une juste tarification à l’usage ET des modèles d’accès les plus favorables aux utilisateurs : accès vraiment illimité + accès hors ligne + accès à distance.
Au fond, c’est vrai que ces alternatives sont toutes frustrantes ! Comme le rappelle Lionel Maurel :
Par ailleurs, toute forme d’offre légale tend à se transformer au fil du temps en une « licence globale privée », comme on le voit avec les formules d’abonnement illimité financées par de la publicité. Voyez par exemple cette excellente analyse par Philippe Axel :
L’abonnement illimité est une forme de licence globale, mise en place par les acteurs les plus puissants du marché, à leur seul profit, et dont très peu de responsables de cette filière, très étrangement, ne contestent les modes de redistribution des recettes en fonction des usages aux créateurs, alors qu’ils expliquent par ailleurs que ce serait impossible à accomplir dans le cadre d’une contribution globale dans l’abonnement Internet. Ce modèle va de pair avec une logique de marketing ciblé et donc d’espionnage à grande échelle de nos moeurs culturelles. Et il va de pair aussi, avec l’interdiction des échanges non marchands ; et donc une surveillance et une répression de ces usages sans quoi rien ne sera possible, que ce soit par une Hadopi ou directement par le juge. Une licence globale « publique », décidée et organisée par le législateur, serait infiniment préférable à ces licences globales « déguisées » qui se cachent derrière certaines offres légales.
Le modèle de la contribution créative, qui est défendu notamment par La Quadrature du Net, a affiné les propositions de la licence globale et gommé plusieurs des risques possibles de dérives. En prenant en compte la création dans son ensemble, jusque dans les productions des amateurs qui foisonnent sur la Toile, elle constitue une solution bien mieux adaptée aux évolutions induites par le numérique, justement parce qu’elle ne s’appuie pas sur la distinction entre le légal et l’illégal : Ces propositions reposent sur la reconnaissance de droits culturels fondamentaux des individus et – attentives aux fonctions éditoriales à valeur ajoutée – prennent en compte les vrais défis de l’ère numérique : ceux de la multiplicité des contributeurs et des œuvres d’intérêt.
Songez-y ne serait-ce qu’un instant : la reconnaissance financée du droit au partage non-marchand des oeuvres signifierait la fin de la recherche de la « bonne offre légale », sans verser une instant dans le tout gratuit, mais au contraire en donnant à la création plus d’argent qu’elle n’en a jamais eu ! Alors-même que le Ministère de la Culture s’apprête à lancer une étude sur les usages non marchands, il nous faudrait au fond militer pour une seule mesure :
- les personnes morales agissant sans but lucratif doivent pouvoir bénéficier des mêmes possibilités que celles consacrées au profit des individus dans le cadre des échanges non marchands.
Au delà de la question étroite du livre numérique, sommes nous prêts à soutenir de telles propositions ?
Article très intéressant, comme d’habitude. Pourriez-vous préciser ce que serait selon vous un catalogue/une offre « dans les nuages » ?
Merci Silvère pour cet article qui permet de poser les
termes d’un débat complexe sans néanmoins les épuiser.
Car, si certains points de ton argumentaire sont convaincants,
il me semble que tu en oublies d’autres. En bref :
– La question de la lecture sur liseuse : même si l’on peut
prédire que la tablette l’emportera in fine, cet usage existe et on ne peut
l’ignorer, d’autant que c’est aujourd’hui le seul support de lecture immersive.
– L’offre : l’offre idéale de livres en streaming pour les
bibliothèques (large, représentative de la diversité éditoriale) n’existe pas
aujourd’hui – on ne peut rester dans l’immobilisme en attendant son
hypothétique émergence.
– L’interface : si la plateforme de streaming multi-éditeurs
attendue n’émerge pas, le risque est de se retrouver avec de multiples
plateformes auxquelles il faudra s’abonner – donc, à chaque fois, des interfaces
différentes pour les usagers (auxquelles il faut ajouter les interfaces de tous
les autres types de ressources numériques proposées en bib)
– Acquisition vs médiation : acquisition + médiation ne constitue pas un double travail. Faire de la médiation sur un bouquet, c’est d’abord faire des choix selon le même processus qu’en situation d’acquisition.
Ajouter des contenus sur des livres numériques que l’on a préalablement
commandés ne prend guère plus de temps que de le faire dans la foulée (la mise
à disposition étant rapide dans le cas du numérique).
– Le signalement : il est très rare que les fournisseurs de
ressources numériques sur abonnement sous forme de bouquet proposent la
fourniture des métadonnées. Un vrai problème pour la médiation.
– Les rapports avec les éditeurs : il est certes à craindre
que les licences perpétuelles s’accompagnent de conditions tarifaires
prohibitives avec des conditions d’accès et d’usage très restrictives mais…
quid du modèle abonnement ? Comment peut-on être confiant dans la volonté des
éditeurs de nous proposer des abonnements en accès illimité, à distance et hors
ligne, sans limitation d’usage (impression etc.) – le tout à un tarif
raisonnable ? La « logique de compensation » prévaudra quelque soit le
modèle – et les mêmes rapports de force avec les éditeurs.
– la pérennité de l’accès : certes elle reste illusoire
aujourd’hui dans le cas de l’achat au titre, mais la pérennité est tout aussi
problématique dans le cadre de l’abonnement – outre le changement de catalogue, que devient tout le travail de médiation numérique si l’on change de plateforme ? Et cela n’introduit-il pas là encore un rapport de force en défaveur des bib ?
– la question budgétaire : en cas d’abonnement à une vaste offre de streaming, il y aura un changement fondamental pour les bibliothèques par rapport à la gestion budgétaire des acquisitions de doc physiques : aucun curseur à déplacer, pas moyen de réduire les dépenses de livres numériques si l’on souhaite par exemple mettre l’accent une année sur un autre type de doc ou faire face à une baisse budgétaire – c’est tout ou rien ! Un tout qui risque de peser très lourd si l’on considère qu’aujourd’hui le critère fréquemment proposé est celui du nombre d’habitants, c’est-à-dire un mode de calcul très éloigné de l’usage réel qui fait des
documents…
Quelques points, donc, destinés à illustrer la complexité de
cette question qui n’appelle pas à mon avis, du moins pour l’instant, en l’état des
offres et des expérimentations, de réponse définitive.
voici mes réponses
– La question de la lecture sur liseuse : même si l’on peut
prédire que la tablette l’emportera in fine, cet usage existe et on ne peut
l’ignorer, d’autant que c’est aujourd’hui le seul support de lecture immersive.
C’est une vraie question en effet, mais la question pour moi est : faut-il accepter des expériences utilisateurs catastrophiques en fonction d’un mode de
lecture reconnu comme transitoire? Faut-il modeler notre offre à partir de cette usage? Je pense que la réponse à la transition que tu évoques tient tout
entier dans les dispositifs de médiation que nous mettons en place: pourquoi ne pas par exemple réserver les liseuses à un espace de découverte des appareils
et l’offre de lecture sous droit à des tablettes? Je ne dis pas qu’il faille supprimer toutes les liseuses, je dis simplement que nos publics sont capables
de comprendre des contraintes d’offre à partir du moment où on prend la peine de leur expliquer… ce qu’on fait très souvent !
– L’offre : l’offre idéale de livres en streaming pour les bibliothèques (large, représentative de la diversité éditoriale) n’existe pas
aujourd’hui – on ne peut rester dans l’immobilisme en attendant son hypothétique émergence.
Je ne dis pas cela non plus, tu auras compris que j’essaie de dessiner un cap avec des points non négociables, parce qu’à force de tout accepter même le pire
au nom d’une hypothétique changement, on a pas de réponse à la question de savoir ce qu’on veut, donc pas de pouvoir de négociation.
– L’interface : si la plateforme de streaming multi-éditeurs attendue n’émerge pas, le risque est de se retrouver avec de multiples
plateformes auxquelles il faudra s’abonner – donc, à chaque fois, des interfaces différentes pour les usagers (auxquelles il faut ajouter les interfaces de tous les autres types de ressources numériques proposées en bib)
C’est faux puisque les API règlent ce problème, là encore à nous d’imposer l’accès aux webservices pour intégrer ces contenus dans nos propres systèmes on le
demande pour les autres ressources numériques, pourquoi pas pour le livre ? Je ne parle même pas des SIGB dans les nuages qui règlent ces problèmes (et en posent d’autres).
– Acquisition vs médiation : acquisition + médiation ne constitue pas un double travail. Faire de la médiation sur un bouquet, c’est d’abord faire des choix
selon le même processus qu’en situation d’acquisition.
Ajouter des contenus sur des livres numériques que l’on a préalablement
commandés ne prend guère plus de temps que de le faire dans la foulée (la mise
à disposition étant rapide dans le cas du numérique).
Non ce que je voulais dire c’est qu’en sélectionnant on brise cette « illusion d’illimité » par des sélections qui ne sont pas souvent reconnues comme
légitimes. C’est très différent de dire : on a sélectionné une offre pour vous mais en dehors on ne vous propose rien, que de dire : voici une offre énorme, on va vous aider à vous y retrouver. Le travail est peut-être proche, mais donc un cas il crée des enclos, dans l’autre il recommande en laissant la liberté de choix à l’utilisateur.
– Le signalement : il est très rare que les fournisseurs de
ressources numériques sur abonnement sous forme de bouquet proposent la
fourniture des métadonnées. Un vrai problème pour la médiation.
tout dépend des dispositifs de médiation, sur des sélections ciblées les métadonnées sont facilement réccupérables ! Dans les plateformes, elles sont là, et
il faut les négocier dans les catalogues.
– Les rapports avec les éditeurs : il est certes à craindre
que les licences perpétuelles s’accompagnent de conditions tarifaires
prohibitives avec des conditions d’accès et d’usage très restrictives mais…
quid du modèle abonnement ? Comment peut-on être confiant dans la volonté des
éditeurs de nous proposer des abonnements en accès illimité, à distance et hors
ligne, sans limitation d’usage (impression etc.) – le tout à un tarif
raisonnable ? La « logique de compensation » prévaudra quelque soit le
modèle – et les mêmes rapports de force avec les éditeurs.
Tu as raison les rapports de force existent dans tous les cas, mais mon propos n’est pas trouver la panacée mais de poser le débat sur ce que nous voulons !
Si nous voulons des modèles d’accès restrictifs et des modèles d’achat au titre, nous entrons dans un rapport de force qui part sur des bases très
dangeureuses. Je dis : mieux vaut une logique de compensation sur en ensemble de titre au pour chaque titre, et je pense que paradoxalement notre forece sera dans notre incapacité à payer dans ce cas là. Du coup vaut-il mieux s’y engager et ne plus pouvoir payer ou anticiper en démontrant dès maintenant qu’une logique de compensation par titre ne sera pas soutenable (et n’a pas de sens!) Comment faire comprendre ça aux éditeurs et au MCC ? Voilà la bonne question.
– la pérennité de l’accès : certes elle reste illusoire
aujourd’hui dans le cas de l’achat au titre, mais la pérennité est tout aussi
problématique dans le cadre de l’abonnement – outre le changement de catalogue, que devient tout le travail de médiation numérique si l’on change de
plateforme ? Et cela n’introduit-il pas là encore un rapport de force en défaveur des bib ?
Oui le travail de médiation doit toujours être exportable ! Comment penser un instant que les bibliothécaires puissent confier leur précieux travail de médiation en prenant le risque de le perdre? On est là sur un cheval de bataille qui n’est jamais posé : celui de l’exportabilité du travail de médiation des professionnels. Voilà les seules données pérennes pour lesquelles nous devrions militer! Peut-être faut-il aussi, et c’est ce que j’explique dans l’article que seules les grandes bbliothèques portent cette revendication de la pérennité de l’accès aux titres pour les autres, il va falloir accepter de proposer des accès et de se battre pour conserver les données de médiation comme nous avons obtenu de les conserver pour les données des catalogues en cas de changement de systèmes !
– la question budgétaire : en cas d’abonnement à une vaste offre de streaming, il y aura un changement fondamental pour les bibliothèques par rapport à la
gestion budgétaire des acquisitions de doc physiques : aucun curseur à déplacer, pas moyen de réduire les dépenses de livres numériques si l’on souhaite par
exemple mettre l’accent une année sur un autre type de doc ou faire face à une baisse budgétaire – c’est tout ou rien ! Un tout qui risque de peser très
lourd si l’on considère qu’aujourd’hui le critère fréquemment proposé est celui du nombre d’habitants, c’est-à-dire un mode de calcul très éloigné de l’usage
réel qui fait des documents…
Attention, dans ton raisonnement, tu associes toujours modèle d’achat et modèle d’accès ! Si on propose en modèle d’accès une vaste offre en streaming détachable (attention aux réflexes de distinguer streaming et téléchargement) le paramètre du périmètre de l’offre n’est plus décisif pour l’achat, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de moyens de faire varier les investissements consentis. Il est par exemple possible de jouer sur les services de médiation, on encore sur le nombre de titre maximum qu’un lecteur peut consulter… étant entendu qu’il faudra nous battre pour des accès distants et pour des accès simultannés illimités. Je ne me fais pas d’illusion les éditeurs proposeront des modèles de licences très restrictifs qu’il nous faudra négocier. C’est bien là tout l’enjeu ! Je pense d’ailleurs qu’il nous faut clarifier ce point : quels sont les modèles de licence acceptables ?
Quelques points, donc, destinés à illustrer la complexité de
cette question qui n’appelle pas à mon avis, du moins pour l’instant, en l’état des
offres et des expérimentations, de réponse définitive.
Merci pour ces remarques, le débat continue.
Bonjour Silvère,
Je vous propose de renverser l’angle de vue et de vous projeter dans quelques années (~2020). Tout nouvel ouvrage sera obligatoirement diffusé en numérique sur le Net (seulement une sélection sera imprimée sur papier), au mieux par son auteur (voir mon modèle économique qui explique comment et pourquoi) ou au pire par un tiers, mais vous bibliothécaires n’auraient pas à vous soucier de l’existence/la gestion d’une version numérique sur le Net. Le citoyen pourra consulter cet ouvrage en bib ou de chez lui de la même façon. Maintenant, il me parait tout à fait admissible que les versions numériques soient en accès gratuit avec DRM (pas nécessairement chronodestructible, mais simplement on-line ou lecteur dépendant), ce que j’appelle échantillonnage (voir wikipedia bien immatériel), et en même temps, l’ouvrage numérique peut être acheté (véritablement) en PDF sans aucun DRM ni pub, dédicacé par l’auteur et éventuellement préfacé de bibliothécaires et/ou libraires qui retrouveraient ainsi un vrai métier d’expertise (on revient au moines copistes).
Bien entendu, je propose que la vente respecte les principes d’équité du commerce des biens immatériels (voir mon article sur HAL ou Wikiversité monnaie cup), mais avec ce système, tout le monde est contant (sauf les parasites intermédiaires qu’on appelait en 2013 éditeurs!). Le citoyen me même trouver un intérêt à « passer en bib » pour discuter avec tel conservateur sur la préface que ce dernier à réalisé sur tel bouquin ou se faire conseiller d’autres livres ou enfin lire tranquillement une version papier… que du bonheur! Quel intérêt de fournir/gérer des tablettes/liseuses sur place car le fond numérique doit être disponible en externe sur le Net. Ne cherchez pas à remplacer GAAF (Google Apple Amazon Facebook), car les auteurs ne passeront plus par eux pour se faire connaître. Votre métier est de commenter, critiquer, trier, analyser des textes en laissant des traces écrites, pas de jouer les webmestres ou chef de rayon de supermarché.
Mais pourquoi vous braquer sur les DRMs de prêt et demander la légalisation du partage non marchand ?
Vous devriez aussi bien distinguer (R. Stallman le fait) les résultats scientifiques ou éducatifs qui ne peuvent être que du domaine publique car les chercheurs et enseignants sont rémunérés par l’état. Par contre, les œuvres culturelles immatérielles doivent pouvoir rémunérer l’auteur (idéalement sans éditeur) uniquement lui, pas les soient disant « ayants droits ». La légalisation du partage de tout bien immatériel tuerait cette possibilité de rémunération équitable. Il n’est pas besoin de recourir à une contribution créative incomplète et corruptible.
A vouloir trop demander par « bibliothécaires contre DRM » sans distinction, vous faites comme des syndicats qui ne défendent pas les salariés mais cherchent seulement à instaurer un conflit bloquant avec une direction.
Pour avancer, je vous propose de prendre connaissance de ma proposition et de la critiquer.
LF
Merci pour cet article, les livres numériques ont connu un essor rapide et sans pareil pendant ces dernières années, donnant même l’impression de la fin des livres en papier pour certains. Mais ce qui parait flagrant, c’est que la cohabitation des deux est tout à fait possible, même en bibliothèque. Je reviens aussi sur la question ici: http://christophelucius.fr/post/99315801941/le-numerique-peut-il-faire-revivre-les-bibliotheques
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