Quand la création d’un espace de co-working sert d’argument pour constuire une médiathèque
Lors de la création de la médiathèque d’Auterive (31), une réflexion a été élaborée autour de la problématique que vous avez soulevé et a débouché sur la création d’un espace de coworking accolé à la médiathèque :En tant que directrice de la structure, l’opportunité de créer un espace de coworking s’est imposée pour trois raisons :D’une part, le projet de création de la médiathèque était sujet à caution. A l’heure où beaucoup de citoyens sont financièrement aux abois, la médiathèque était saisie comme une débauche de deniers publics plus que comme une structure nécessaire pour combler le déficit de lecture publique sur le territoire. Beaucoup d’habitants voyaient en la médiathèque un simple équipement de loisirs : il était urgent de prouver que la médiathèque n’est pas un simple lieu dédié au ludique ou au culturel, mais qu’elle avait bien évidemment également une vocation sociale, voire même économique.Il est toujours difficile de prouver avant son ouverture que la médiathèque aura des impacts positifs sur le tissu socio-économique : créer un espace de coworking, c’était aussi faire en sorte que le public et les élus se réapproprient le projet. En somme, c’était peut-être la partie la plus visible de l’iceberg, notamment parce que par ce biais là, la médiathèque a su s’ancrer non seulement parmi le citoyen lambda mais également dans le tissu économique et industriel local (free-lance, chefs d’entreprise, artisans, auto-entrepreneurs, formateurs impliqués dès l’ébauche du projet de coworking…)La recherche de transversalité a été un fil conducteur également. La mutualisation des ressources -documentaires, numériques, humaines-, a permis de générer des économies sur le fonctionnement du bâtiment. La coordinatrice numérique de la médiathèque était apte à dispenser des enseignements informatiques aux coworkers (comment créer son site internet, se faire connaître par les réseaux sociaux, créer son blog, éditer une newsletter…), les bibliothécaires formés à la veille numérique et documentaire… Les ressources numériques et périodiques sont en cours de refonte pour permettre cette mutualisation entre les deux espaces, en s’orientant aussi bien sur le juridique que sur le loisir ou l’économie… D’autres idées sont encore à l’étude.
Enfin, la fameuse démarche “troisième lieu” a été un feedback autour de ma réflexion. On parle souvent de la solitude des chefs d’entreprise, des freelance ou des télétravailleurs. En soi, le coworking n’était-il pas également un troisième lieu ? Si tel était le cas, en quoi était-il antinomique avec la vocation de mixité sociale de la médiathèque ? Cette dernière bénéficiait déjà de l’attractivité d’entités associatives dans ses locaux (ludothèque et café des parents), et j’imaginais le coworking comme une espèce d’extension de ce joyeux écosystème. Ah, le doux rêve de voir les coworkers lors de leur pause, franchir la porte séparant les deux lieux pour aller se nourrir intellectuellement (!).
Aujourd’hui, la médiathèque fête ses un an d’ouverture, et rencontre un franc succès, avec un lectorat dépassant les 40%. Le projet de coworking (ficelage budgétaire, ameublement, abonnements, réunions de présentation et liens avec les acteurs économiques du territoire) a bien été mis en place par moi. J’en assure donc la direction en plus de celle de la médiathèque. Une personne supplémentaire dédiée à l’accueil des coworkers a été recrutée.
Et je suis heureuse de dire que la tendance s’est inversée et que les citoyens se sont pleinement appropriés le projet. Sans doute l’auraient-ils adoptés également sans le projet de coworking, mais qui sait si la médiathèque aurait pu s’ouvrir face à une telle hostilité ?Néanmoins, concernant l’espace de coworking en lui-même, plusieurs points fragilisants demeurent, notamment les restrictions budgétaires qui affectent depuis quelques années les collectivités territoriales. Certains aspects techniques posent également question (décalage des horaires d’ouverture des deux structures, pas encore de fusion des deux sites internet médiathèque/coworking notamment…), mais également sur un flou administratif concernant les compétences dévolues à l’intercommunalité ou à la commune même.
Etre cojobeur, c’est :
- Retrouver une place dans un groupe, avoir des horaires, un lieu où aller le matin, des « collègues » de recherche, des anecdotes en revenant le soir.
- Réaliser qu’on a toujours des compétences à partager.
- Bénéficier des expériences des autres, de leurs réseaux.
- C’est aussi rester en lien une fois qu’on a trouvé du boulot ( ce qui arrive vite parce que gonflé à bloc, ayant réseauté chaque jour : on multiplie son mojo à l’infini et donc les opportunités de se faire embaucher ou de monter sa boîte! )
« et que les même infrastructures peuvent servir à la recherche d’emploi… Quels espaces y sont dédiés hors des structures dédiées comme Pôle Emploi? Aucun. »
Bonsoir,
Je nuancerais cette affirmation… et me permets d’apporter une précision : les Maisons des Services au public essaient de remplir ce rôle dans des zones rurales éloignées des bourgs. Elles servent (entr’autres) d’interface entre les usagers dépourvus de moyen de transport et Pôle Emploi et permettent souvent à ces personnes de trouver un travail.
J’ai travaillé dans une médiathèque qui ouvrait sur une MSAP (et vice-versa). L’agent d’accueil de la MSAP y faisait un travail d’accueil, d’écoute, d’aide et de soutien formidable !
J’adore ton article et effectivement ça justifie et valorise le travail du bibliothécaire ainsi que la création de nouvelles structures. Un lieu où l’on se sent bien et où l’on a pas besoin de consommer ! Mutualisons, partageons et communiquons…
On rentre enfin dans notre époque et on dépoussière l’image du bibliothécaire.
Seul bémol, c’est très difficile de faire bouger les mentalités et faire évoluer le personnel même.
Je vais partager ton article car il faut que ces évolutions viennent s »encrer petit à petit dans les esprits.
merci !