Non-fiction.fr et Books lancent des magazines imprimés de critiques de livres !

On en a déjà un peu parlé sur twitter avec certains : pas moins de deux magazines imprimés qui ont pour ambition de contribuer aux débats d’idée, notamment à partir de critiques d’essais publiés, arrivent ces jours-ci dans les kiosques ! Alors qu’on évoque partout d’une crise de la presse imprimée, il est intéressant de constater que d’une part, il existe non pas seulement un besoin, mais un marché qui prend en compte la critique de livres en tant que telle (qui plus est en dehors de la fiction) et que ce marché est porteur (rentable ?) avec des formules qui associent à la fois le web et l’imprimé.

Ajoutons que cela me semble très significatif du rapprochement entre les métiers des bibliothèques et ceux du journalisme, non pas que les journalistes n’aient pas toujours été des prescripteurs, mais ces projets montrent que ce qui n’était souvent qu’une rubrique (« nous avons lu, nous vous conseillons ») devient un objet affirmé au cœur d’un projet éditorial. Comme si, au fond, il se mettait en place un journalisme de recommandation. Je pense aussi bien sûr en écrivant cela au journalisme de liens que porte Narvic. Pour préciser, voici un extrait de l’excellent article (désormais en tous droits réservés, mais je m’en fiche, j’exerce mon droit de citation et je mets du gras :-)) de Narvic intitulé : La stratégie des fous à lier : les enjeux du journalisme de liens

Le « journalisme de liens » permet de reprendre pied sur le terrain de la recommandation, mais aussi, et c’est plus subtile, dans celui de la recherche… (…) Le paradoxe de cette affaire, c’est que les sites de presse sont très lus, et donc liés, par les blogueurs. Ils bénéficient ainsi de très fort Page Rank (PR), ce qui correspond à la qualité reconnue de leurs contenus par rapport aux autres, par exemple à celui des blogs [5]. Mais ce Page Rank est « perdu ». Il n’est pas redistribué, puisque les journalistes ne placent pas de liens dans ces pages très liées. (…)

J’ai en tête une remarque de Scott Karp à propos des sites de presse américains (avec de très forts PR), mais qui sont très peu liants (même si ça s’arrange avec le développement du linkjournalism). Il se demande quel serait l’impact dans « l’économie des liens » et donc dans les résultats de recherche de Google, si ces gros sites se mettaient à lier massivement, en redistribuant sur le web des liens à très fort PR aujourd’hui « thésaurisés ». Il estime que le bouleversement dans le classement des résultats de recherche de Google serait considérable. Partagez-vous son avis ?

L’enjeu présenté comme tel et les deux projets qui suivent sont donc des tentatives de reprendre la main dans l’économie de l’attention que ce soit sur papier ou en ligne (la différence est celle du modèle économique, mais l’objectif est le même).

Petite présentation, d’une part de l’excellent Non-fiction.fr, (on aurait souhaité plus original que le Président en couverture, mais il parait que c’est très vendeur…) :

Le 27 novembre, nonfiction.fr lance nonfiction, le magazine des livres et des idées.Trimestriel, le magazine nonfiction a pour ambition de
mettre à la disposition du plus grand nombre une approche éclairée et critique des meilleurs essais et des débats d’idées. Il s’adresse à tous ceux qui souhaitent poser sur l’actualité un regard réfléchi, à travers l’analyse des idées et des interrogations en jeu aujourd’hui. Crise économique, troubles identitaires de la gauche, nouveau rôle des États-Unis sur la scène mondiale… Sur tous ces sujets, les sciences humaines et sociales donnent un éclairage nouveau et le magazine nonfiction en sera le relais fidèle.

Notons que Non-fiction.fr prépare aussi une mystérieuse offre à destination des bibliothèques (j’en avais suggéré le besoin à Fédéric Martel, le rédacteur en chef lorsque d’une rencontre avec lui, ravi de voir que c’est suivi des faits !). C’est notre Louis Burle National qui l’annonce dans son blog. Pour l’instant, il s’agit juste de buzz je n’ai pas d’info plus précise à vous livrer (mais ça viendra).

D’autre part, et déjà en kiosques, le magazine Books, l’actualité par les livres du monde cité par Médiawatch:

Le magazine que vous avez entre les mains se propose d’éclairer les sujets du jour et la condition humaine en utilisant la lumière des livres. A l’ère d’Internet, le livre est parfois présenté comme un objet du passé. C’est une illusion. Le contenant n’est pas le contenu. Stèle, rouleau, parchemin, papier, e-book ou fichier électronique, voilà le support. Le livre, lui est immatériel (…) A l’ère de la vitesse, de l’éphémère, du repli sur soi, mais aussi de la mondialisation, de la propagation planétaire des ondes de choc économiques, politiques, culturelles, le livre apporte la lenteur, le recul », écrit dans son 1er éditorial, Olivier Postel-Vinay, fondateur de Books, et ancien directeur de la rédaction de Courrier International.

Belle ambition que cet éloge de la lenteur… 🙂

Notons quitte à casser l’ambiance, que ce dernier propose sur le site une curieuse rubrique remarquée par Marlène qui répertorie les erreurs de Wikipédia en les « passant sur le grill« , pour en publier les perles et les approximations… l’idée pourrait être louable à condition que lesdites erreurs soient corrigées directement dans wikipédia, ce qui ne semble pas être le cas ! La pratique porte un nom (merci à Cercamon pour l’info et le lien) il s’agit de « Wikipédia Bashing » qui consiste à critiquer wikipédia de manière fréquente et gratuite : voir le tag delicious qui répertorie différentes tentatives… Pour un projet ayant l’ambition « d’éclairer l’actualité », c’est plus que limite ! 🙁

Silvae

Je suis chargé de la médiation et des innovations numériques à la Bibliothèque Publique d’Information – Centre Pompidou à Paris. Bibliothécaire engagé pour la libre dissémination des savoirs, je suis co-fondateur du collectif SavoirsCom1 – Politiques des Biens communs de la connaissance. Formateur sur les impacts du numériques dans le secteur culturel Les billets que j'écris et ma veille n'engagent en rien mon employeur, sauf précision explicite.

12 réponses

  1. Nadine dit :

    Petit bémol : Nonfiction me semble être sur un créneau qui repose sur une vision un peu trop consensuelle de ce qui « fait » l’actualité – en fait, ce que l’on trouve déjà un peu partout dans la presse écrite et audio-visuelle.
    A

  2. Nadine dit :

    A signaler aussi, deux autres publications papier d’excellente qualité : Le Mook (« magazine book » d’Autrement) et XXI (trimestriel). N’oublions pas non plus Transfuge et Mouvement, dont j’aurais du mal à me passer.
    Bon, la presse papier de qualité est bien vivante et tu as raison de t’en réjouir

  3. Oui tu as raison, et j’ajouterai aussi Le Tigre curieux journal curieux, pas dédié aux critiques livres, mais un très bon magazine complètement original, sans pub et sans concessions, jusqu’au graphisme : http://www.le-tigre.net/ (sans concessions, mais pas engagé dans des œillères politiques)

    Pour les connaisseurs, c’est fait par les mêmes que feu la revue R de Réel : http://rdereel.free.fr/

    A découvrir !

  4. Cher Silvère,

    Je suis responsable du site web de Books (www.booksmag.fr). Tout d’abord, bravo pour votre blog et merci de nous avoir consacré une de vos chroniques. Je voulais réagir à votre commentaire sur notre rubrique wikigrill. Nous nous attendions à la critique que vous formulez. Cela ne fait aucun doute que Wikipédia est un outil formidable. Il le serait encore plus si les auteurs des articles étaient connus. Ceux qui les modifient, ceux qui suppriment certaines informations pour faire prévaloir une thèse particulière, ceux qui, au contraire, s’attachent à préserver un peu d’objectivité. Notre but n’est en aucun cas de faire du « Wikipédia bashing ». Simplement, nous nous attachons à montrer qu’il existe parfois des biais ou des imprécisions dans les articles de Wikipédia. C’est précisément pour les raisons que je viens d’exposer que nous n’allons pas les corriger. Qui sommes nous donc pour décider de faire prévaloir telle ou telle information ? Quel genre de journalistes sommes-nous si nous sommes juges et partie, à la fois rédacteurs dans Wikipédia et auteurs d’articles critiques à son égard ? J’espère avoir éclairé un peu le débat, et je vous remercie de nous avoir donné la parole. Cordialement,
    Séverine Fiévet.

  5. @ Séverine Fiévet (booksmag.fr) : Bonjour, et merci de réagir. Votre argumentation n’est pas nouvelles et nombreux sont ceux qui critiquent wikipédia sur ce point. L’encyclopédie de Google (knol) propose d’ailleurs un modèle où les auteurs sont non seulement autorisés à écrire, mais sélectionnés pour ça, un modèle donc bien plus traditionnel qui s’inscrit dans la droite ligne de l’autorité scientifique de l’expert ce contre quoi wikipédia s’est explicitement dressé.

    Quant à moi, il me semble que c’est une des valeurs ajoutées de wikipédia que de ne pas identifier les auteurs et de compter sur une validation issue de la légitimité scientifique de l’auteur. Un nombre incalculable d’articles sur les sujets qui ne sont pas considérés comme scientifiques n’y existeraient tout simplement pas… Il s’agit bien de faire fonctionner une « intelligence collective » nécessairement imparfaite et sujette à caution, mais tellement précieuse.

  6. Alain Antone dit :

    Je suis complètement Bibliobsession [5] dans sa réponse à Séverine Fiévet. La force de Wikipedia est la possibilité d’améliorer sans cesse la qualité des articles sans jouer de la facilité de la référence d’une autorité grâce à l’anonymat. Par ailleurs, plutôt que d’écrire un article disant que le contenu de wikipedia n’est pas de bonne qualité, pourquoi ne pas le modifier pour améliorer la qualité ?

    Alain Antone

  7. La remarque de Mme Fiévet de booksmag.fr est intéressante, car elle est révélatrice d’un des éléments qui dérange dans Wikidedia soit le principe même de l' »intelligence collective » qui rend la notoriété de l’auteur caduque ou inutile (et c’est bien sûr ce qui dérange plus particulièrement au sein des intelligentsia où la notoriété de l’auteur se construit parfois péniblement et génère une logique de caste). Plutôt que de s’en prendre frontalement aux principes de l’intelligence collective, il est évidemment plus facile de pointer sur un certains nombres d’erreurs factuelles (inévitables dans ce genre de projet) présentes au sein d’articles isolés.
    Dans ce cadre-là, une des faiblesses de la théorie de l’intelligence collective réside dans le fait que cette théorie repose sur l’idée que chacun et chacune est prêt-e à jouer le jeu pour participer à la création collective. Or, les articles du Wikigrills ou le «Wikipedia bashing» démontrent exactement le contraire: des gens qui ne sont pas prêts à apporter leur compétence à la création de cette encyclopédie collective que forme Wikipedia.
    Je me permets de signaler l’article suivant publié dans le Café pédagogique relativement au WIkigrill consacré à l’article Colbert : Réflexions sur Wikipedia à partir d’une polémique récente relative à l’article Colbert

  8. Enro dit :

    Attention quand même au contre-sens : ces deux parutions s'inspirent du modèle des revues de livres anglo-saxonnes ("review of books"), qui laissent surtout parler les écrivains et intellectuels. L'ambition semble être la même du côté français, en laissant largement de côté les journalistes. Tant pis donc pour le rapprochement entre les métiers des bibliothèques et ceux du journalisme, ou encore le journalisme de recommandation !

  9. @ Enro : pas de contresens, il est clair que les rédacteurs de non-fiction sont des universitaires… et que le journalisme de liens, n'appartient pas aux seuls journalistes loin de là. S'il s'agit d'en faire un nouveau modèle pour une corporation, alors c'est perdu d'avance…

  10. wdtyjisfxs dit :

    Non-fiction.fr et Books lancent des magazines imprimés de critiques de livres ! –
    awdtyjisfxs
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  1. 30 novembre 2008

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