De quoi s’agit-il ? C’est tout simple : imaginez qu’en arrivant dans un lieu donné, votre tablette, votre smartphone ou votre ordinateur vous indique l’existence d’un signal wi-fi ouvert dont le nommage ne ressemble pas aux réseaux habituellement connus… Sous le nom de PirateBox ou s’y apparentant, votre appareil se connecte à ce réseau et là, pour paraphraser Jack London, « sur les murs de la PirateBox, je vis un monde surgir de l’horizon. »
De quoi mimer le vieux mythe politique de la Zone d’autonomie temporaire d’un certain Hakim Bey…Vous avez dit piratage, illégalité, filtrages, hadopi, menottes? Non ! On vous répond plutôt à Lezoux comme à Aulnay domaine public, licences libres et libre diffusion locale des contenus, ce qui n’est rien de moins que le rôle d’une bibliothèque ! Thomas Fourmeux @fourmeux et Cyrille Jaouan @CryZbib indiquent sur le blog de la médiathèque d’Aulnay:
la Pirate Box vous propose des livres numériques, des films, de la musique, des images ou tout autre contenu numérique appartenant au domaine public. Grâce à la Pirate Box (re)découvrez des pépites du patrimoine sélectionnées par les bibliothécaires du réseau.
Distribuer des contenus sélectionnés en wifi, déconnectés d’internet (même si la bibliothèque peut par ailleurs proposer un accès wifi, qui peut le plus…. peut le moins !). Voilà qui est en phase avec des pratiques très répandues qui sont en fait des échanges hors-ligne non-marchands entre individus. Pratiques massives qui constituent selon cette étude récente un des modes majeurs de diffusion de la musique aux Etats-Unis. Au fond une pirate box est une manière pratique de partager le contenu d’un disque dur, ce qui est largement fait par les individus pour tous types de contenus, sous droit, ou pas. La vraie question de politique culturelle porte sur la dépénalisation de ces pratiques et sur le financement de la création .
Dans un cadre institutionnel, distinguons bien entendu le dispositif technique de ce qu’il fait circuler pour ouvrir le champ de la médiation numérique ! Quand je présente les démarches de médiation numérique je ne manque jamais une occasion d’insister sur ce que j’appelle des dispositifs passerelles :
Un dispositif passerelle est un dispositif dont la caractéristique est de proposer une interface entre un milieu tangible et des données numériques.
Ici la passerelle technique est un réseau local qui distribue les contenus. Il est bien sûr nécessaire de matérialiser cette offre pour en faciliter l’accès. A Lezoux c’est une cabine de téléchargement libre qui a été construite !
A Aulnay-sous-Bois, la pirate box est présentée par une affichette, tête de mort incluse !
Ces deux exemples montrent que pour le même outil on peut faire des dispositifs positionnés assez différemment. C’est bien qu’il faut élaborer à partir d’un outil, construire un dispositif de médiation numérique :
Un dispositif de médiation numérique existe à traver trois dimensions étroitement imbriquées : des besoins d’informations, des usages et des outils. Il vise à satisfaire un besoin d’information au moyen d’un outil s’inscrivant dans des usages informationnels.
La pirate box est un outil, comment le paramétrer pour en faire un dispositif de médiation ? Voici quelques remarques et interrogations à discuter :
- Quel nom faut-il adopter ? L’équipe de Lezoux fait le choix d’une Bibliobox, celle d’Aulnay conserve pirate box, au risque de quelques amalgames… personnellement je l’intitulerai Partage Box!
- Comment évaluer le nombre de téléchargement, mesurer l’usage ?
- Comment accompagner la dépose de fichiers sur une pirate box par les usagers ? Comment la mettre en scène ?
- Comment améliorer la page de présentation une fois l’utilisateur connecté ? Comment l’adapter pour mobiles ?
- Faut-il communiquer sur le domaine public ou plutôt sur les contenus en libre accès à disposition ?
- On pourrait par exemple imaginer proposer des bouquets thématiques… Pourquoi ne pas par exemple proposer des sélections commentées de podcasts de Radio-France par exemple… maintenant que les podcasts sont accessibles pendant un an !
- Pourquoi ne pas doubler le dispositif avec une dropbox avec les mêmes contenus, ou proposer dans l’interface locale de recueillir l’adresse mail de l’usager pour lui envoyer chez lui un lien vers les contenus ? (parfois on a pas le temps de télécharger sur place)
- Ne serait-il pas possible de mutualiser ces dispositifs ? De partager les éléments de communication pour faciliter la reproductibilité des « partage box » dans les bibliothèques » ?
On pourrait même imaginer de prêter des pirates box dans les bibliothèques, en les pré-configurant, plutôt que de faire circuler des tablettes et/ou des liseuses verrouillées de manière exclusive… Et si le coeur de notre métier était de se saisir d’un dispositif comme celui-ci et de l’élaborer en répondant à toutes ces questions ? Bravo à ceux qui expérimentent !
Au fait, si vous voulez vous procurer une pirate box, c’est par ici !
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